La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, et Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT, ont rendu visite, vendredi 27 septembre 2024, aux salariés de l’entreprise solidaire TAE (Travailler et Apprendre Ensemble) à Noisy-le-Grand. L’occasion de mieux comprendre ce projet expérimental qui réunit des travailleurs venus d’horizons divers, mais aussi de réfléchir à la manière d’apporter un accompagnement social et administratif aux salariés.
Ils sont arrivés à l’heure de la pause et c’est autour d’un café que Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT (Confédération française démocratique du travail), et Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT (Confédération générale du travail), ont commencé à discuter avec une partie des 24 salariés de TAE (Travailler et Apprendre ensemble), l’entreprise solidaire créée par ATD Quart Monde en 2002.
Les deux syndicalistes ont ainsi pu en savoir plus sur le parcours des salariés ayant souvent connu le chômage de longue durée, des carrières très hachées, des contrats précaires et des temps partiels subis. D’autres, appelés salariés compagnons, n’ont pas vécu de telles difficultés et ont choisi de rejoindre TAE pour participer à la construction d’une entreprise différente. Toutes et tous travaillent en équipe dans quatre domaines : l’informatique, le bâtiment, le ménage et la cuisine, et les espaces verts. Avec fierté, les salariés ont ensuite fait visiter les locaux de l’entreprise et montré à Marylise Léon et Denis Gravouil ce que leur apportait, au quotidien, ce travail en CDI, respectant leur rythme, reconnaissant le droit à l’erreur et leur permettant de se former les uns les autres pour acquérir de nouvelles compétences.
Des questions administratives pesantes pour les salariés
Un moment d’échange avec quelques salariés a ensuite permis de s’interroger sur l’impact de la maltraitance institutionnelle sur les salariés en général. Plusieurs ont en effet souligné à quel point les questions sociales et administratives étaient pesantes sur leur travail. Ainsi, pour prendre rendez-vous à la CAF, il faut prendre une demie journée et donc perdre une partie de son salaire ; pour prolonger un arrêt maladie, il est souvent difficile de trouver un médecin disponible. Les personnes sont parfois obligées d’aller voir un autre médecin et subissent donc deux fois le délai de carence au cours duquel aucune indemnité journalière n’est versée ; pour obtenir une aide pour un enfant en situation de handicap, il est nécessaire de remplir chaque année un dossier de près de 200 pages, ce qui est extrêmement difficile pour une personne ne sachant pas bien lire ou écrire ; pour obtenir certains droits, il est souvent demandé de scanner une fiche de paie, ce qui est un réel obstacle pour les personnes n’ayant pas le matériel approprié ; pour comprendre parfois simplement où trouver des solutions à un problème, s’il faut frapper à la porte de la caisse de retraite ou de la CAF par exemple, il existe une réelle méconnaissance qui est un frein à de nombreux droits… Ces obstacles, parce qu’ils entraînent une trop grande charge mentale, des difficultés financières ou encore des problèmes de santé, ont des conséquences sur le travail.
Tous ces exemples ont été apportés par les salariés de TAE, afin de réfléchir avec les deux syndicalistes à la manière dont les entreprises peuvent apporter un soutien social et administratif en interne, mais aussi aux solutions à apporter pour faire cesser cette maltraitance institutionnelle qui touche à la fois les usagers et les professionnels. “Aucun agent ne se plaît à faire attendre les gens, à ne pas trouver de solutions, à avoir trop de dossiers. L’absurdité de certains circuits, de certaines procédures pèsent sur l’usager et ajoute de la complexité, du travail, de la tension, de la charge mentale pour tout le monde”, a ainsi rappelé Marylise Léon. Pour Denis Gravouil, “il y a une souffrance considérable des deux côtés”.
“La réalité du quotidien de TAE, c’est qu’il y a beaucoup d’absences pour traiter les questions administratives”, a constaté Séverine Choquet, nouvelle co-directrice de TAE. “Les problèmes mettent souvent très longtemps à se régler et cela demande beaucoup d’énergie. C’est pour cela que le CDI est très important. Quand on a cumulé toutes les difficultés, c’est très compliqué de passer dans une entreprise d’insertion entre 6 mois et deux ans et de pouvoir avoir une stabilité qui permette de reprendre un emploi classique dans une entreprise qui n’est pas particulièrement ouverte sur l’accompagnement”, a-t-elle détaillé. À TAE, les salariés compagnons peuvent eux aussi se sentir démunis pour répondre aux difficultés d’accès aux droits de leurs collègues.
“L’entreprise est un écosystème”
“Si les services publics fonctionnaient déjà un peu mieux, on n’aurait pas autant besoin de cette aide”, a souligné Denis Gravouille, qui a également pointé la nécessité de “mieux former chacun à ses droits, à ce que sont les syndicats et à quoi ils servent…” Pour Marylise Léon, “il y a des entreprises qui ne se préoccupent absolument pas de ces questions. Les difficultés rencontrées par les salariés en dehors de l’entreprise, cela ne les regarde pas. On est sur de la main-d’œuvre jetable : le salarié fait une erreur, deux erreurs et hop dehors. Il y a des entreprises où les syndicats font beaucoup. De nombreux délégués syndicaux prennent le rôle d’assistants sociaux”. La secrétaire générale de la CFDT a ainsi rappelé que “l’entreprise est un écosystème, elle n’est pas juste là pour fournir un travail. Le salaire est important, mais il y a aussi tout le reste”.
En tant que laboratoire de recherche pour bâtir une entreprise qui fait de la place à tous, tout en étant rentable, TAE peut ainsi être une inspiration pour d’autres structures. À la fin de leur visite, les deux syndicalistes ont donc été invités par le co-directeur, Laurent Godin, à diffuser, dans leurs organisations respectives, la formation au management inclusif proposée chaque année par TAE.
Photo : Marylise Léon et Denis Gravouil visitent TAE, avec la présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard, et Anne-Marie De Pasquale, membre de la délégation nationale d’ATD Quart Monde. © ATD Quart Monde