L’Institut catholique de Paris propose à certains de ses étudiants de participer à un module de formation au Croisement des savoirs et des pratiques. Cette démarche leur apprend notamment « l’importance du sens des mots employés », mais aussi à mieux comprendre leur manière de se situer dans le monde par rapport aux autres.
C’est un moment de l’année que les étudiants du master « Solidarité et transition durable » de l’Institut catholique de Paris attendent en général avec impatience. Début janvier, ils ont participé à un module de formation au Croisement des savoirs et des pratiques, avec des militants Quart Monde. Ils sont pour la plupart en formation initiale et veulent travailler dans la solidarité de manière très large et dans des entreprises de l’économie solidaire. Mais cette formation est aussi ouverte aux professionnels qui travaillent déjà, notamment dans le domaine social. Les bases du Croisement des savoirs et des pratiques sont donc réunies pour permettre le dialogue entre les savoirs universitaires, professionnels et ceux issus de l’expérience de vie des personnes connaissant la pauvreté.
Rappel des repères
Pour la responsable de ce master, Elena Lasida, professeure d’économie à l’Institut catholique de Paris, c’était une évidence d’intégrer la démarche du Croisement des savoirs au sein de cette formation. « Même si tout le monde parle aujourd’hui de coopération, de co-construction, de participation, on voit ici qu’il s’agit en réalité d’un travail énorme, parce qu’on ne parle pas le même langage, on n’a pas la même manière de penser et de nous situer les uns par rapport aux autres. »
Pour « bien travailler ensemble », Pascale Budin, coordinatrice des Ateliers du Croisement des savoirs et des pratiques à ATD Quart Monde, commence la formation par un rappel des repères développés dans la Charte du Croisement des savoirs. Le premier est « le respect des participants : s’écouter ; laisser le temps à la personne qui a la parole d’exprimer sa pensée, ne pas finir ses phrases ; garder en tête qu’on peut ne pas être d’accord, c’est bien car c’est ce qui nourrit le débat et la discussion, mais il n’y a pas de jugement sur la personne », détaille-t-elle.
Importance du sens des mots
Les participants entrent ensuite rapidement dans le vif du sujet, avec un premier exercice sur les représentations de chacune et chacun autour du mot « santé », d’abord en groupe de pairs. Après avoir vu la variété des définitions proposées pour parler d’un même terme, les groupes se penchent sur l’analyse d’une situation concrète : le récit d’une famille confrontée à des punaises de lit dans son logement. L’objectif est de dégager une problématique commune et de proposer des solutions. À la fin de cette première journée, toutes et tous sont invités à décrire leurs ressentis et ce qu’ils retiennent. « Je retiens l’importance du sens des mots employés, que co-construire ne s’improvise pas, qu’il est important de clarifier ses idées pour qu’elles ne soient pas mal interprétées, qu’il faut du temps pour déconstruire les habitudes… », expriment les participants.
Pour Elena Lasida, le Croisement des savoirs est « une manière de construire du commun, de la société ». Les années précédentes, beaucoup d’étudiants sont sortis « un peu bousculés » de ce module de formation, constate-t-elle, même si « la manière dont cela se traduit ensuite dans leurs pratiques professionnelles est difficile à saisir ». Mais la professeure d’économie en est persuadée : « ce n’est pas un mode d’emploi pour faire participer les gens, mais bien une démarche pour réfléchir à notre manière de nous situer dans le monde et de rentrer en relation avec des gens avec lesquels nous sommes séparés, parfois de manière radicale. Elle contient un potentiel politique de transformation énorme ».
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de mars 2025.