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À Grigny, le Croisement des savoirs renforce le lien entre l’école et les familles

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Stagiaire au sein du département École d’ATD Quart Monde de janvier à juin 2024, Bouchra Ghani a mené une évaluation du projet “Parents, Profs, Croisons nos Savoirs” organisé à Grigny. Elle s’est plus particulièrement penchée sur l’impact de la démarche du Croisement des savoirs sur le lien entre l’école et les familles et les représentations et pratiques de chacun et chacune.

“De belles dynamiques ont été insufflées dans les écoles, mais c’est un processus long, qu’il faut entretenir”, constate Bouchra Ghani. Dans le cadre de son stage de fin d’études en master 2 en sciences sociales, elle a évalué le travail réalisé par ATD Quart Monde au sein du projet “Parents, Profs, Croisons nos Savoirs” sur le territoire de Grigny, dans l’Essonne. Cette ville a fait de l’éducation un enjeu majeur et les différents acteurs de la ville ont mis en place ce projet en 2015 pour améliorer le lien école-famille. Dans ce cadre, la démarche du Croisement des savoirs et des pratiques proposée par ATD Quart Monde a constitué l’un des outils utilisés pour permettre aux parents et aux enseignants d’échanger et de croiser leurs expériences et leurs connaissances autour de l’école.

L’évaluation porte sur trois écoles maternelles ayant participé au projet. La rencontre entre les personnels de l’école et les parents a réellement “permis un réel travail de déconstruction des idées reçues et des préjugés”, pointe Bouchra Ghani. Cette rencontre a eu lieu autour de temps de réflexion et de croisements, mais aussi autour de temps conviviaux comme des repas. Cela a entraîné des évolutions très concrètes. “Dans les trois écoles, le format de la réunion de rentrée a changé, passant d’une réunion unique regroupant tous les parents, à plusieurs réunions étalées sur la semaine en petits groupes de parents”, explique Bouchra Ghani, précisant que cette mesure a désormais été mise en place dans les autres écoles maternelles de la ville.

Dans certaines écoles, les parents ont été réunis lors de ces réunions “par groupes de langue parlée, avec la présence d’un traducteur, qui peut être un autre parent, pour faciliter la compréhension et les échanges entre parents et enseignants, ainsi qu’entre les parents eux-mêmes”. Même si les contraintes logistiques d’une telle mesure sont importantes, “les parents sont plus à l’aise pour exprimer leurs idées dans leur langue d’origine. Ils reviennent ensuite plus facilement vers les enseignants lorsqu’ils en ont besoin, la confiance entre eux se renforce”, précise-t-elle. “Plusieurs parents ont exprimé leurs appréhensions à entrer dans l’école, et les différentes actions visant à les rassurer sur leur légitimité à y prendre leur place facilitent ainsi leur présence et leur investissement dans les actions de l’école”, détaille-t-elle.

Considérer les parents comme des partenaires

Plusieurs enseignants ont par ailleurs indiqué que l’échange avec les parents les avait incité à utiliser davantage des images et des pictogrammes dans les messages écrits à destination des familles. Certains considèrent davantage les parents “comme des partenaires, en leur donnant davantage la parole et en prenant le temps de les écouter”. Bouchra Ghani a ainsi recueilli le témoignage de professionnels qui “demandent désormais aux parents l’autorisation de prendre des notes en début d’entretien, ou encore organisent systématiquement des rendez-vous avec les parents, indépendamment de la situation de l’enfant, et mettent l’accent autant sur les réussites que sur les difficultés de l’enfant”.

Le dialogue a permis à chacun de mieux comprendre les réactions de l’autre. Ainsi, des parents ont pu exprimer à quel point ils trouvaient “infantilisant” le fait d’être reçus sur des petites chaises et non sur des chaises d’adultes lors des entretiens. “J’ai compris que c’était vraiment quelque chose à proscrire”, a par exemple indiqué une enseignante et directrice d’une école maternelle, pour qui cette question n’était jusqu’alors qu’un problème de manque de matériel et non un manque de respect de ses interlocuteurs. Les séances de Croisement des savoirs ont également permis aux enseignantes de réaliser que “ce qui pouvait sembler de l’indifférence ou du désintérêt de la part des parents, en fait, c’était juste un super grand respect des professionnels”.

Un long chemin

Pour Bouchra Ghani, le Croisement des savoirs et des pratiques a permis, avec d’autres actions mises en place dans le cadre du projet “Parents, Profs, Croisons nos Savoirs”, “d’impulser une dynamique, incitant les enseignantes à mettre en place de nouvelles méthodes pour favoriser le lien avec les parents”. Elle constate cependant que les évolutions sont “très difficiles à mesurer”, car “pour que les représentations et les préjugés changent, c’est un long chemin, comme dans tout groupe social”. Elle pointe ainsi certaines “résistances”, comme l’emploi récurrent de l’expression “parents éloignés” de l’école par des enseignants. “Parler à l’inverse de parents dont ‘l’école est éloignée’ permettrait de mettre davantage l’accent sur les inégalités qui existent dans les conditions d’accès des familles à l’école et à la culture scolaire”, explique-t-elle.

L’enjeu est aujourd’hui de réfléchir à “la continuité des dynamiques impulsées dans les écoles”, où les équipes enseignantes peuvent changer d’une année sur l’autre. “Parmi les conditions qui permettent de créer et de maintenir des représentations et des pratiques qui favorisent le rapprochement entre les familles et l’école, la formation des acteurs éducatifs de la ville de Grigny à la démarche du Croisement des savoirs et des pratiques pourrait constituer un sujet intéressant à discuter entre les différents acteurs de Grigny engagés sur les questions éducatives”, conclut-elle.

Photo : © Freepik

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