Engagée à Toulouse, Christèle est persuadée qu’il est “possible de changer la société”.
Christèle est “une militante dans l’âme, qui aime mettre les pieds dans le plat”. Elle se souvient de la rage qu’elle ressentait, enfant, quand elle allait faire les courses avec sa mère et qu’il fallait demander aux commerçants de faire crédit à partir du 10 du mois, parce qu’il n’y avait plus d’argent à la maison. “Quand ils refusaient, j’avais juste envie de péter un plomb et de crier contre cette inhumanité.” À Perpignan où elle grandit, elle est animée par les notions de partage et de solidarité. “Je n’ai jamais réfléchi en termes d’argent, de réussite. Je me suis toujours demandé ce que je pouvais donner, apporter aux autres.” À 16 ans, elle devient bénévole à la Croix Rouge, puis dans d’autres associations.
Après avoir enchaîné les petits boulots, elle travaille à mi-temps dans la restauration, à Toulouse, et s’occupe de ses deux filles. Il y a huit ans, elle entend parler d’ATD Quart Monde. “On m’a dit que ce Mouvement était plutôt sur l’aspect politique, en lien avec les personnes qui ont vécu la précarité, ce qui est mon cas. Cela m’a parlé tout de suite.” Révoltée par les injustices et en quête d’idées pour faire évoluer la société, Christèle a l’impression de trouver enfin un lieu où s’exprimer librement. “C’était complètement différent des autres associations que je connaissais. L’idée d’avoir du poids dans les institutions, le fait d’avoir un représentant au Conseil économique, social et environnemental ou d’avoir eu Geneviève Anthonioz de Gaulle comme présidente me plaisaient beaucoup.”
Fascinée par les “grandes figures historiques qui réussissent à changer les choses”, elle se plonge dans l’histoire d’ATD Quart Monde et dans les écrits du fondateur du Mouvement, Joseph Wresinski. “C’était un vrai révolutionnaire, dans le bon sens du terme, qui a milité pour que la parole, la pensée, l’intelligence et le savoir de ceux qui sont le plus éloignés de la société soient pris en compte. J’ai eu envie d’être dans sa continuité.”
Elle regrette de ne “pas être une grande oratrice pour rallier les foules à la cause des plus précaires”. Mais même si ses discours ne touchent pas des milliers de personnes, elle n’hésite pas à parler d’ATD Quart Monde à tout le monde autour d’elle. “Éradiquer la misère, ce n’est pas rien. On ne veut pas juste la repousser, on veut l’éradiquer. Il y a quelque chose de jusqu’au-boutiste qui me plaît beaucoup là-dedans.”
Le vrai défi
Elle est enthousiasmée par le Croisement des savoirs et des pratiques, dans lequel elle trouve des leviers pour “changer vraiment la société en profondeur, grâce à des échanges avec ceux qui font les institutions”. L’écoute des autres militants Quart Monde est également pour Christèle “une bonne leçon d’humilité”. Elle est touchée et parfois révoltée par tous les récites de vie qu’elle entend lors des Universités populaires Quart Monde et en ressort à chaque fois motivée pour poursuivre le combat. “On voit que d’autres vivent les mêmes choses que nous, parfois pires, parfois moins difficiles, mais il y a une sorte d’identité commune que l’on ressent et beaucoup d’admiration des uns pour les autres. Parfois, on y va pour dire quelque chose et finalement on ne fait qu’écouter et cela nous nourrit.” Elle anime également le groupe jeunesse de l’Université populaire et prend très à cœur sa mission : elle veut faire découvrir aux jeunes qu’ATD Quart Monde est “un mouvement libérateur”. Elle les a convaincues qu’il était possible de changer la société. “Cela ne sert à rien de se dire qu’on est pauvre et qu’on n’a pas eu de chance. Il faut se demander ce qu’on peut faire pour transformer les choses, c’est ça le vrai défi.”
Cette militante hyperactive est sans cesse en quête de nouveaux projets. Elle décide de “forcer un peu les portes de l’école maternelle de sa fille” en proposant à la directrice de passer une journée dans la classe. “Le but était de vivre quelque chose ensemble, de changer mon regard sur les enseignants et celui de la maîtresse sur les parents d’élèves.” Un objectif largement rempli : “Je suis ressortie admirative de son travail et elle s’est dit que, finalement, les parents n’étaient pas juste des empêcheurs de tourner en rond. Le projet a été très bien accueilli dans toute l’école.”
Pour la Journée mondiale du refus de la misère consacrée aux droits de l’enfant, le 17 octobre 2019, elle a proposé au centre aéré de l’une de ses filles, dans le quartier Marengo Périole, de participer à des ateliers pour faire connaître leurs droits aux élèves. “Maintenant, ils ont envie de creuser le sujet avec les enfants et vont continuer. J’adore commencer par des petites choses, puis laisser le projet vivre de lui-même.”
Même si le premier contact avec ATD Quart Monde avait été très positif, Christèle ne s’attendait pas à ce que cela la pousse à mener autant d’actions. “Je déteste les choses figées et c’est justement un mouvement en évolution permanente, qui évolue de la base. On n’a pas peur, on ne se censure pas et quand il faut dire les choses, on le fait, avec diplomatie.” Huit ans après sa découverte du Mouvement, elle n’en revient pas d’avoir été “autant transformée”.
Déclics. Le jour où ils se sont engagés
Ce portrait est extrait de l’ouvrage Déclics, publié en 2020 aux Éditions Quart Monde. Dans ce livre, quinze personnes racontent leur histoire, l’élément déclencheur de leur engagement, leurs moments d’exaltation, mais aussi de doute ou de découragement. Quinze visages croqués et autant de parcours porteurs d’inspiration, d’envie de faire bouger les lignes. Vous pouvez retrouver ce livre en librairie ou sur le site des Éditions Quart Monde www.atd-quartmonde.fr/editions/
Illustration : © Damien Roudeau