Restitution de l’évaluation d’OSEE à Lille le 28 novembre. © ATD Quart Monde

Évaluation de l’expérimentation OSEE : le pari réussi d’une formation singulière

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Portée par ATD Quart Monde depuis 2019, l’expérimentation OSEE, Osons les savoirs d’expérience de l’exclusion, a fait l’objet d’une évaluation par quatre chercheuses du Groupe d’études et de recherche en travail social de l’École des sciences de la société. Lors de la présentation de leur rapport, à Lille le 28 novembre dernier, des stagiaires des deux premières promotions ont mis en avant les atouts de ce parcours de formation vers les métiers du social.

“Cette formation m’a permis d’obtenir un emploi, un logement, une réelle stabilité dans ma vie personnelle et familiale”, témoigne l’une des stagiaires de la première promotion de l’expérimentation OSEE (Osons les savoirs d’expérience de l’exclusion). À l’occasion de la présentation de l’évaluation du projet par quatre chercheuses de l’Institut social de Lille, elles sont une dizaine à avoir tenu à partager leurs réussites et leurs difficultés au cours de ces 15 mois de formation pré-qualifiante.

Lorsqu’elles se sont lancées, aucune ne pensait vivre une telle expérience. “Jusque-là, Pôle Emploi ne nous proposait que des formations pas adaptées et courtes. Quand on ne te propose que des formations sur l’estime de soi, au bout d’un moment tu en as marre, tu as envie d’avoir du concret. On ferme les portes pour les publics qui n’ont pas assez d’expériences. On trouve trop d’excuses pour pas qu’on rentre dans les centres de formation, mais je crois qu’il faut donner sa chance à tout le monde”, constatent-elles.

Avec OSEE, les 59 stagiaires originaires de différentes régions de France, majoritairement des femmes, ont appris à valoriser leurs savoirs d’expérience de vie et d’engagement, ont réalisé des stages, rencontré des professionnels et élaboré un projet professionnel. À l’issue des deux promotions, en juin 2023, un tiers des stagiaires rencontrés en entretien par les chercheuses ayant évalué le dispositif souhaitaient continuer en formation qualifiante, notamment de moniteur éducateur, assistant de service social, animateur, auxiliaire de vie, brancardier ou encore adjoint au patrimoine. Un quart d’entre eux ont accédé à un emploi. Pour certains, les obstacles sont encore nombreux et “la suite de la route n’est pas encore très claire”, précise le rapport d’évaluation.

Accéder à une indépendance

Mais si l’insertion dans une formation ou un emploi était bien l’un des buts d’OSEE, la redynamisation, l’acquisition d’une meilleure confiance en soi, la capacité de se projeter dans l’avenir étaient également des objectifs essentiels pour cette expérimentation. Et de nombreux stagiaires les ont atteints. “OSEE me donne envie d’évoluer et d’avancer. J’ai réappris à m’ouvrir un peu plus. J’ose plein de choses, j’élimine les peurs que j’ai pu avoir dans ma vie. Le mot ‘oser’ est ancré en moi. Je suis plus vivante”, souligne l’une d’elle. “Cela m’a aidée à prendre conscience de mes compétences cachées, à vaincre ma timidité. Cela m’a beaucoup apporté sur le plan relationnel aussi”, témoignent d’autres stagiaires.

“On ne m’a pas laissé choisir à l’école pour l’orientation, on ne m’a pas laissé choisir à Pôle emploi, on m’a dit ‘ce sera très bien femme de ménage’, alors que je veux travailler avec des enfants. Avec OSEE, c’est moi qui choisis. Cela change tout, ça permet d’accéder à une indépendance, pas seulement financière, ça nous offre une certaine dignité, nous permet de sortir de chez soi, et de faire des connaissances. Le fait de s’accepter et de se dire qu’on fait partie de la société, c’est déjà ça”, poursuit une autre stagiaire, en lisant les témoignages de plusieurs camarades de promotion, devant la petite centaine de participants venus assister à la restitution de l’évaluation.

Construire la confiance

Stagiaires et chercheuses mettent en avant la “force du collectif” dans cette expérimentation, “le besoin de s’appuyer sur les pairs, des gens qui ont vécu des choses similaires et ne nous jugeront pas, et sur des accompagnants, pour prendre du recul et en retirer un savoir qui sera transmissible”. Bien au-delà des 15 mois de formation, les stagiaires savent qu’ils peuvent compter sur l’équipe coordinatrice du projet, sur les “personnes ressources” et sur les autres stagiaires.

L’entraide et la construction de la confiance dans le groupe a également touché les quatre chercheuses du Groupe d’études et de recherche en travail social. Face à la méfiance de certains stagiaires ayant un rapport assez douloureux à l’école et à l’évaluation, elles ont revu leur manière de travailler. “Nous avions le souci de construire la confiance. Nous avons été amenées à mettre la dimension humaine au centre de notre recherche et de notre posture, à valoriser ce que les différents acteurs nous apprenaient sur le dispositif, qui était d’une richesse incroyable. On s’est rendu compte que, finalement, on était tous des chercheurs dans cette recherche.”

Vers de nouvelles promotions à Lille et Rennes

Cette évaluation va être utile pour mener une “démarche d’essaimage”. Pilotée par ATD Quart Monde, la construction d’un parcours de formation pré-qualifiante est ainsi en cours dans la métropole lilloise avec l’organisme de formation EESTS, ainsi que dans la ville de Rennes avec le centre de formation continue Prisme.

L’objectif est de développer cette reconnaissance de l’expérience de vie et d’engagement dans les formations du travail social et, à terme, de faire évoluer plus largement le travail social vers une participation effective des personnes en situation de pauvreté dans les différentes structures. Julie Clair-Robelet

Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de janvier 2024.

Photo : Restitution de l’évaluation d’OSEE à Lille le 28 novembre. © ATD Quart Monde

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