Alliée d’ATD Quart Monde à Marseille, Andrée Lhérisson s’engage notamment pour sensibiliser les enseignants à la question de la grande pauvreté et à ses impacts sur la scolarité des enfants.
“Quand pourra-t-on, sans mentir, écrire sur le fronton des écoles : ici est enseigné l’art de la rencontre ?”, demandait le généticien et philosophe Albert Jacquard, lors des Ateliers de l’école organisés par ATD Quart Monde à Lyon en 2011. Cette phrase avait profondément marqué Andrée Lhérisson, qui en a fait sa devise. Ancienne enseignante, elle s’est engagée avec ATD Quart Monde à Marseille en 2002 pour “créer du lien, faire des rencontres et mener, avec d’autres, des projets de réflexion et des actions”. Ses multiples engagements avec le Mouvement ont dépassé ses espérances. Elle a notamment participé à l’Université populaire Quart Monde, fait un séjour à la Bise, la maison de vacances familiales d’ATD Quart Monde, dans le Jura, animé l’équipe d’animation régionale pendant 8 ans et accompagne encore de temps en temps le groupe de la Bibliothèque de rue.
Impact des conditions de vie difficile
Elle qui a tant travaillé auprès des enfants au cours de sa carrière souhaitait, au départ, avant tout s’investir avec des adultes. Mais son engagement au sein du réseau Wresinski École d’ATD Quart Monde lui a d’abord permis de rester “ancrée dans la réalité”. Ce réseau réunit quatre fois par an des professionnels de l’éducation et des parents d’élèves pour réfléchir ensemble aux changements à mener pour permettre la réussite de tous les enfants. Puis, il y a trois ans, le rectorat d’Aix-Marseille a contacté le Mouvement pour qu’il assure des formations pour des enseignants. “L’objectif est de leur permettre d’appréhender ce qu’est la grande pauvreté, de montrer qu’il ne s’agit pas que d’une question d’argent, mais qu’il y a de multiples dimensions et de détailler l’impact des conditions de vie difficiles sur la scolarité des enfants. Il s’agit également de discuter avec eux des projets qu’ils mènent déjà avec beaucoup de motivation et de voir comment créer encore plus de liens entre les familles et l’école”, détaille-t-elle.
Andrée Lhérisson intervient donc régulièrement dans des collèges situés en zones d’éducation prioritaire, avec trois autres membres d’ATD Quart Monde, pour des formations de deux jours. Elle participe également à des Croisements des savoirs et des pratiques dans des écoles primaires, avec des parents d’élèves et des enseignants, afin de réfléchir avec eux aux attentes, aux obstacles et aux envies de chacun. Les enseignants rencontrés sont, pour la plupart, déjà sensibilisés à ces problématiques. Mais ils ne pensent pas toujours à ce que peuvent leur apporter les parents. “Ils ont parfois tendance à donner des conseils, alors que les parents ont bien conscience que les enfants doivent bien dormir ou que la nourriture est importante, par exemple. Les parents peuvent être des partenaires à part entière, ils sont aussi porteurs de connaissances. Nous essayons de montrer que ce changement de posture est possible”, explique-t-elle. Elle constate en outre que “les parents ont des parcours scolaires parfois chaotiques, mais ils mettent beaucoup d’énergie à ce que leurs enfants réussissent et ils ont une haute opinion des enseignants”.
Saisir les opportunités
Elle avoue que ces interventions la font sortir de sa “zone de confort”. “Il y a une prise de risques, on ne sait pas si ce que nous leur apportons correspond à leurs attentes. Nous sommes toujours en alerte pour nous adapter à leurs réalités”. Fidèle à sa devise, elle porte notamment une grande attention à la première rencontre, que ce soit avec des enseignants ou des parents d’élèves, car “nous avons en face de nous une personne qui a toute une histoire qu’on ne connaît pas”.
Cela lui a aussi permis de réfléchir à sa propre expérience d’enseignante, principalement en école maternelle. “Avec le recul, je me dis que j’avais peut-être certaines postures ou que j’employais certains mots que je n’emploierais plus aujourd’hui, même si je faisais au mieux.” Elle prend ainsi l’exemple d’un dialogue qu’elle a pu avoir avec une maman d’élève : “même si j’étais à l’écoute, j’aurais pu lui proposer de revenir avec une amie ou un autre parent de l’école, essayer davantage de comprendre pourquoi il y avait des blocages et trouver des solutions. Maintenant je me rends compte qu’il y a des opportunités que je n’ai peut-être pas su saisir”, analyse-t-elle.
Pour Andrée Lhérisson, l’objectif est aussi que parents d’élèves et enseignants comprennent qu’il ne s’agit pas de se positionner “en donneur de leçons, mais comme des facilitateurs de liens entre l’école et les familles”. Elle regrette les difficultés rencontrées pour atteindre les parents les plus éloignés de l’école, dont beaucoup sont freinés par la barrière de la langue. Quand elle n’est pas dans les établissements scolaires, elle n’hésite pas à s’engager dans d’autres actions d’ATD Quart Monde, comme le Festival des savoirs et des arts ou un projet autour de la mosaïque avec des parents, pour “essayer de mieux comprendre ce que vivent les personnes en situation de pauvreté”. Ce qu’elle aime dans le Mouvement, c’est d’être toujours “un pied dans l’action, un pied dans la réflexion », mais surtout de peaufiner son “art de la rencontre”.
Pour contacter le département École d’ATD Quart Monde : departement.ecole@atd-quartmonde.org
Ce portrait est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de septembre 2023.
Photo : Andrée Lhérisson à la Maison Quart Monde de Marseille en juillet. © Lucie Wojtasiak