Installés depuis quelques mois dans une Coloc’action, les coloc’acteurs se sont engagés dans leur quartier et ont bâti des projets en lien avec les habitants.
Charlène a trouvé “beaucoup plus qu’un logement” en arrivant dans le quartier des Mesnils-Pasteur à Dole, en septembre dernier. Elle avait pourtant déjà connu plusieurs colocations, dans lesquelles elle croisait à peine ses colocataires. Désormais, avec Pénélope et Martin, les deux autres membres de la Coloc’action, elle refait souvent le monde, assise près de sa fenêtre, d’où elle voit le Mont Blanc.
Dans leurs discussions, ATD Quart Monde est “présent de manière diffuse. Il n’y a pas de programme établi, on ne se dit pas : ‘ce soir, nous parlons des Bibliothèques de rue, la semaine prochaine des Universités populaires Quart Monde…’ Cela se fait de manière assez naturelle”, expliquent Martin et Pénélope, actuellement en découverte du volontariat.
C’est en voyant “qu’il y a plein de choses qui ne vont pas bien dans le monde d’aujourd’hui” que Charlène a décidé de sauter le pas. “Il ne s’agit pas de sauver le monde, mais pas non plus de s’impliquer juste deux heures par semaine et de rentrer tranquillement chez soi ou de faire un chèque de temps en temps. La Coloc’action permet de s’engager, en ayant un vrai accompagnement, en étant avec les habitants du quartier.”
Les trois coloc’acteurs sont en contact avec le centre social et la médiathèque du quartier et participent au groupe jeunes d’ATD Quart Monde. Martin fait également du soutien aux devoirs. “Avec les confinements, la dimension ‘action’ du projet a cependant été un peu limitée cette année”, déplore Pénélope, comme l’ensemble des colocataires.
Dans leur entourage, le projet de Coloc’action n’a pas toujours été bien compris : “pourquoi choisir la colocation à 30 ans, comme Charlène, ou alors qu’on est en couple, comme Martin et Pénélope ? Pourquoi s’installer dans un quartier prioritaire ?” Les questions ont fusé, mais les trois jeunes gens ne regrettent pas. “Ce n’est pas du tout un sacrifice. On a été accueilli par nos voisins, comme ce n’était jamais arrivé ailleurs”, répond Martin. “Nous avons tissé des liens. C’est une façon très chouette de construire des points d’ancrage dans des quartiers que nous ne connaissions pas forcément”, ajoute Charlène.
Partager un lieu de vie
Pour Dounia, installée dans la colocation solidaire de Pierrelaye (voir encadré), cette expérience est “une sorte d’aventure humaine”. L’idée de vivre avec des personnes de milieux différents a plu tout de suite à l’étudiante en droit de 21 ans. Dans cette colocation, pas de projet d’engagement à l’extérieur, mais, avec ses colocataires de 22 à 30 ans, ils partagent “des valeurs de solidarité, d’entraide” et essayent de faire une activité tous ensemble au moins une fois par semaine. Dounia est désormais certaine qu’à la fin de l’année, elle repartira “avec un réseau social, et une sorte de repère partout dans le monde : ATD Quart Monde”.
C’est justement en s’engageant à l’autre bout du monde, à l’Île Maurice, qu’Adeline a entendu parler du Mouvement. Partie en volontariat de solidarité internationale, la jeune femme s’est demandée à son retour comment poursuivre son engagement. Après avoir participé à un chantier jeunes à Colmar, elle a décidé d’intégrer en septembre la Coloc’action de Noisy-le-Grand, au sein du Centre de promotion familiale. Salariée de l’association Unis-Cité, Adeline souhaitait “ne pas être dans une relation professionnelle ou dans une rencontre forcée avec les personnes en situation de pauvreté, mais de partager un lieu de vie, des contacts au quotidien”.
Engagée au Pivot culturel, qui propose des activités aux enfants du quartier, elle a appris à être « plus attentive à la situation de ses voisins, à leurs difficultés… Cela permet de porter un autre regard sur ce qui se passe autour de nous ». Après son année en Coloc’action, elle espère “découvrir davantage les autres actions menées par ATD Quart Monde, notamment le Croisement des savoirs et des pratiques“.
« Ouvrir les yeux »
L’un de ses colocataires, Mathias, veut lui aussi “devenir un relais de toutes les valeurs portées par ATD Quart Monde”. Depuis septembre, il a notamment proposé aux enfants du quartier des “séances d’éveil scientifique, en expliquant les changements climatiques avec des expériences simples”.
Cet étudiant en relations internationales de 23 ans apprécie au quotidien de pouvoir, simplement en ouvrant sa fenêtre, discuter avec les jeunes qu’il rencontre au Pivot culturel. “C’est très instructif, parce que je n’ai pas du tout le même quotidien. J’ai toujours été très engagé, mais sans pouvoir réellement vivre avec les personnes en situation de pauvreté. Cela m’a fait prendre conscience de certains mécanismes de domination que je ne voyais pas forcément.”
Dans la Coloc’action de Colmar, Yi Ling, originaire d’Allemagne, dresse le même constat. “On imagine toujours que la précarité ne nous concerne pas. En fait, elle nous concerne tous et elle est très présente dans nos pays. Ce projet est une réelle occasion pour nous ouvrir les yeux.” Avec Lara, volontaire permanente d’ATD Quart Monde, et Marie des Anges, elles se sont engagées au sein du quartier Europe et participent aux temps de rencontre du groupe jeunes.
Les trois coloc’actrices font aussi régulièrement des “soirées films” pour en savoir plus sur ATD Quart Monde. “Je suis engagée dans différentes associations, mais, jamais, je n’ai trouvé cette idée d’engagement pour le respect de la personne humaine, contre l’assistanat, et des projets pour que chacun soit acteur de sa vie”, souligne Marie des Anges.
« Un projet d’habitants du quartier »
Forts de ces témoignages, les acteurs des Coloc’actions de Montreuil et Loos ont hâte de commencer leurs projets. “Je vais pouvoir vivre mon engagement à fond, côtoyer d’autres lieux associatifs, c’est ce qui me porte, me rend vivant”, s’exclame Thomas, actuellement en volontariat associatif à ATD Quart Monde, qui doit devenir l’animateur de la Coloc’action de Montreuil.
À Loos, le projet a fédéré des personnes qui n’étaient pas toutes très actives dans le Mouvement ces dernières années. “C’est un projet d’habitants du quartier. L’idée de faire quelque chose juste à côté de leur lieu de vie a motivé cette équipe. Une alliée de longue date a proposé de louer sa maison, dans le quartier des Oliveaux”, expliquent Anne-France et Marilyn, membres de l’équipe locale du Nord-Pas-de-Calais.
“Pour les jeunes, c’est un véritable engagement citoyen. Cela leur permet de leur montrer un autre visage de la société, un projet qui va vers les personnes les plus pauvres, avec elles. Et c’est important de faire connaître ATD Quart Monde à des jeunes, qui arrivent avec de nouvelles idées et de nouvelles façon de faire.” La Coloc’action de Loos doit commencer en septembre prochain, mais toute l’équipe est au travail depuis plusieurs mois “pour proposer aux jeunes un engagement pour la communauté qui les fait vibrer et une réelle expérience de vie”.
Une colocation solidaire à Pierrelaye
En partenariat avec l’association La Pierre Blanche, ATD Quart Monde est également engagé dans un projet de colocation solidaire, à Pierrelaye, dans le Val d’Oise. Étudiants, jeunes professionnels et personnes réfugiées vivent “un engagement solidaire, citoyen et humain”. L’action est davantage tournée vers la construction d’une vie commune au sein de la colocation, grâce au partage d’histoires de vie et de cultures différentes. Les colocataires s’engagent également à des choix de vie respectueux de la planète.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de juin 2021.