Plus de 120 jeunes venus de toute la France se sont réunis les 29 et 30 juin à Méry-sur-Oise pour une rencontre intitulée « Cap vers l’espoir et la jeunesse ». Trois mois avant le début de la campagne de mobilisation contre la maltraitance institutionnelle, toutes et tous se sont attachés à montrer que cette maltraitance touche potentiellement tout le monde, mais pas de la même manière, et ont cherché des solutions pour nourrir « le moteur de l’engagement ».
Pendant cinq mois, ils ont préparé des sketchs, des chansons, des chorégraphies, des jeux pour faire comprendre ce que représente pour elles et eux la maltraitance institutionnelle et réfléchir à des solutions pour la combattre. Arrivés au Centre international d’ATD Quart Monde le vendredi 28 juin au soir de Lyon, de Brest, d’Alsace, de Bourgogne-Franche-Comté ou encore d’Île-de-France, les 120 jeunes sont rentrés dans le vif du sujet dès le samedi matin. Sous le soleil de Méry-sur-Oise résonnent alors les mots “dépression”, “harcèlement”, “rejet”, “détresse”, “honte”… “La maltraitance institutionnelle, c’est quand il y a un manque d’accompagnement, c’est quand on perd la capacité d’agir, on n’a plus la force d’agir. On n’a plus d’énergie. On vit des situations incompréhensibles, des situations d’injustice”, affirment les jeunes venus de Bourgogne-Franche-Comté.
Qu’ils aient vécu des situations de pauvreté ou non, tous les jeunes témoignent de situations de maltraitance institutionnelle. “On veut s’intéresser aux injustices qui sont les plus grandes, aux situations qui sont les plus intolérables et à partir de ces situations-là, on veut changer la société pour que tout le monde y ait sa place. Pour construire une école où tout le monde peut apprendre, on veut partir des élèves qui ont le plus de difficultés ; pour construire des groupes et des collectifs qui accueillent tout le monde, on veut partir des jeunes qui ont vécu les plus grandes exclusions dans leur vie”, explique Martin Deville, responsable de la Dynamique jeunesse d’ATD Quart Monde.
“L’accumulation de petites choses crée la maltraitance institutionnelle”
Le groupe de Lyon a choisi de défiler, “pour faire la lutte et la fête”. Ils ont confectionné des pancartes avec des citations que le public applaudit avec ardeur, se reconnaissant dans telle ou telle phrase : “Vous êtes jeunes, vous êtes une femmes, donc c’est non !”, “l’Aide sociale à l’enfance nous prend pour du bétail”, “c’est l’accumulation de petites choses qui crée la maltraitance institutionnelle. Lorsqu’on en vit, c’est comme si on perdait notre carapace”, “la maltraitance institutionnelle est systémique, ce ne sont pas des cas isolés, c’est le dysfonctionnement d’un système”, “la maltraitance institutionnelle est invisible, silencieuse, mais bien réelle”.
C’est “de l’autre côté du tableau” qu’ont choisi de se placer les jeunes du groupe de Colmar, en évoquant les maltraitances subies par les personnes travaillant au sein des institutions. “Mal-être au travail, manque de formation sur certains sujets, manque de personnels…”, décrivent-ils. Le sketch préparé par le groupe de jeunes alliés d’Île-de-France rencontre lui aussi un grand succès. Ils ont imaginé le guichet d’accueil de la “Caisse d’allocation des sacs de couchage”, un matériel très utile pour la plupart des participants, qui campent en contrebas du site. Les apprentis comédiens se voient ainsi attribuer des tickets, puis sont envoyés d’un guichet à l’autre, pour remplir des formulaires ou essayer de trouver le bon certificat.
Dans le public, l’hilarité est générale mais, derrière les rires, beaucoup reconnaissent des situations ubuesques trop souvent vécues. “Dans les institutions, on a l’impression qu’il faut se prendre la tête avec les personnes pour qu’elles comprennent et qu’on puisse avancer. Parfois, il faut que tu aies un gros souci ou que tu sois mort pour qu’ils te prennent au sérieux”, rapportent certains. Les jeunes s’accaparent ensuite le micro pour un slam intitulé “Ça c’est la pression”, puis une chanson sur l’air de Gare aux gorilles, reprise par toutes et tous : « Foutue maltraitance institutionnelle ».
Faire le plein de révolte et d’optimisme
Malgré la bonne humeur ambiante, les participants sont heureux que cette matinée, qui a permis de mettre en lumière de nombreuses situations de maltraitance institutionnelle, se termine. Ils ressentent le besoin de “mettre en place un moteur pour le changement”, constate Martin Deville. Dans ce moteur, le volontaire permanent imagine mettre deux “carburants” : “ce matin, j’ai fait le plein de révolte, j’ai été très touché par beaucoup de situations très injustes qui ont été partagées. Cela me donne envie de changer les choses. Le deuxième carburant qu’on peut mettre dans ce moteur, c’est l’optimisme et notamment ce qu’on vit entre nous, là, et qui nous donne des idées sur la société qu’on veut construire”, détaille-t-il.
Un gros orage permet à tout le monde de souffler en début d’après-midi, avant de se répartir dans différents ateliers. Les jeunes s’éparpillent un peu partout sur le site de Méry-sur-Oise afin d’écrire une nouvelle, de répéter une chorégraphie, de créer un fanzine ou encore de participer à un quiz sur la maltraitance institutionnelle. Le week-end se poursuit ainsi, ponctué de moments de réflexion en plénière ou en petits groupes, et d’ateliers plus ludiques.
“Construire une société sans exclusion, joyeuse, curieuse”
“Cette petite société qu’on a créée pour quelques jours, c’est ce que nous voulons pour tout le monde. Une société sans exclusion, festive, joyeuse, curieuse. Une société où on accueille les histoires des uns et des autres pour en faire une force pour toutes et tous”, affirme Geoffrey Renimel, membre de la délégation nationale en conclusion du week-end, avant un dernier moment de partage et de danses. “Demain nous rentrerons chez nous. Nous allons retrouver un quotidien qui n’est pas toujours facile. Pour certains, il faudra trouver l’énergie de se battre pour assurer les sécurités matérielles, pour d’autres il sera nécessaire de trouver l’énergie pour mobiliser nos collègues de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, avec la contribution de tout le monde, sans laisser personne de côté”, ajoute Benoît Reboul-Salze, également membre de la délégation nationale. Après deux jours riches en émotions, la plupart des jeunes participants repart avec l’envie de mettre fin à la maltraitance institutionnelle “en mettant le cap sur l’espoir et la jeunesse”.