Des professionnels de l’Ademe (Agence de la transition écologique) ont participé à une démarche de Croisement des savoirs et des pratiques avec des militants Quart Monde sur le thème de la « transition juste ».
« Heureusement qu’on se rencontre, parce qu’on a plein de points communs et des envies de faire des choses ensemble », s’exclame Chantal, militante Quart Monde, le 20 janvier dernier, à la fin des trois jours de co-formation en Croisement des savoirs et des pratiques avec des membres de l’Ademe. Cette agence, créée par l’État, est engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation des ressources. Cinq militants Quart Monde et une dizaine de salariés de l’Ademe ont ainsi réfléchi en groupes de pairs, en groupes mixtes et en séance plénière sur des thématiques variées telles que la sécurité sociale de l’alimentation, les transports ou encore l’habitat.
« Être entendus comme les autres »
Au début, Chantal, comme les autres militants Quart Monde, était assez intimidée par les « adémiens » qu’elle voyait un peu comme « des gens d’une autre planète ». « Ce qui m’a troublée au départ, c’est qu’ils étaient surpris que nous, les plus pauvres, on sache autant de choses sur l’écologie », ajoute-t-elle. « C’est bien qu’ils ne soient pas déconnectés, qu’ils ne restent pas dans leur bulle à faire leur truc dans leur coin », poursuit Thierry, également militant Quart Monde.
Toutes et tous terminent cette co-formation heureux d’avoir pu s’exprimer : « Ils ont été très à l’écoute. C’est cela que nous voulons : être comme tout le monde, participer à des décisions, être entendus, comme les autres, et pas parce que nous sommes ou nous avons été dans des situations précaires », explique Chantal. « Mélanger les savoirs des plus pauvres et des scientifiques, cela ne peut apporter que des bonnes choses. Nous, on est ‘experts’ sur le terrain, sur ce que nous vivons au quotidien. Eux, ils ont l’expertise scientifique. En mélangeant tout cela, normalement, on peut faire des choses bien pour la planète », s’exclame Thierry.
Des écarts entre les réalités
Pour les membres de l’Ademe, l’expérience a également été bénéfique. Cela a notamment fait réfléchir Rebecca, ingénieure au service Transport et mobilité de l’agence, sur la manière de « mieux prendre en compte ce point de vue des usagers en général et en particulier des personnes précaires, avec lesquelles on se croise assez peu ». « Si on ne fait pas l’effort d’aller réfléchir à partir de leurs réalités, de leurs points de vue, on va louper quelque chose », poursuit-elle. Elle aussi était intimidée au départ : « je pensais qu’on allait davantage se faire secouer vu l’écart qu’il y a entre notre position et leurs réalités ».
Le Croisement des savoirs a notamment porté sur la question de la rénovation dans les HLM. « Ils ont été choqués d’apprendre que des travaux étaient parfois prévus en plein hiver et qu’on se retrouvait sans fenêtre et sans chauffage. Ils croyaient qu’on était relogés », se souvient Christelle, militante Quart Monde, presque amusée par ce décalage. « C’était un exemple concret qui montrait à quel point les politiques de transition écologique peuvent engendrer des difficultés supplémentaires pour certaines personnes. C’est quelque chose dont je n’avais pas forcément conscience », affirme Rebecca. Toutes et tous ont désormais envie de poursuivre ce dialogue, mais aucun rendez-vous n’a encore été fixé.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de mars 2025.