Depuis 40 ans, Mariette Legendre est alliée d’ATD Quart Monde pour « essayer d’améliorer la vie » et « rappeler inlassablement que chaque personne a une valeur inaliénable ».
Mariette Legendre a grandi dans le même quartier que le fondateur d’ATD Quart Monde, Joseph Wresinski, à Angers. Pour elle, c’était comme une évidence de s’engager dans le Mouvement. Ce n’est pourtant pas dans sa ville natale qu’elle s’est lancée, mais à Brest. Jeune médecin de PMI (protection maternelle infantile) dans un quartier très populaire, elle se questionne alors beaucoup sur sa pratique. « J’avais des liens avec les travailleurs sociaux, je voulais m’ouvrir davantage sur ce que vivaient les familles et faire accepter ma vision un peu différente du métier », se souvient-elle.
En 1985, elle entend parler d’un congrès organisé à Nancy par ATD Quart Monde, intitulé « Pour une politique de la santé : le Quart Monde acteur et partenaire ». Pour la première fois, elle décide de laisser son mari et ses quatre enfants pour traverser la France et échanger avec d’autres professionnels du monde entier sur ses questionnements. C’est pour elle le début d’un engagement sans faille qui dure depuis 40 ans. Elle prend contact avec le réseau Wresinski Santé, qui réunit des personnes ayant vécu la pauvreté, des professionnels de santé, des chercheurs… Dans cet espace, toutes et tous partagent leurs connaissances et leurs expériences et formulent des recommandations pour améliorer l’accès aux soins des plus pauvres. Mariette Legendre découvre par ailleurs qu’un petit groupe d’ATD Quart Monde existe à Brest, autour de trois ou quatre militantes Quart Monde.
Des amitiés fortes
Elle lie alors son engagement professionnel et son implication auprès des personnes en situation de pauvreté, ce qui lui permet d’avoir une approche plus globale de son métier. « Pour moi, la santé, c’est tout un ensemble. On ne peut pas juste rester sur l’aspect médical. Si un enfant multiplie les bronchites à cause de l’humidité de son logement, nous avons la possibilité de le soigner et d’entrer en contact avec l’assistante sociale du secteur, de faire de la prévention, de savoir sur quoi insister pour ne pas noyer les parents sous un trop grand nombre de démarches… », détaille-t-elle. Pour mieux comprendre ATD Quart Monde, elle se plonge aussi dans les nombreux livres publiés aux Éditions Quart Monde. Elle reste marquée par l’ouvrage de Joseph Wresinski Écrits et paroles aux volontaires, dans lequel il évoque notamment la difficulté, pour les personnes en grande précarité, de nouer de réelles amitiés, car elles ont vécu de nombreuses ruptures dans leur vie. Mariette Legendre apprend à ne pas se sentir directement visée par les propos, parfois violents, de certains militants Quart Monde, dont Marcelle, avec qui elle tisse une relation très forte. « À mes débuts, leur colère visait la PMI, puis la société en général. Il ne faut pas la prendre pour soi », explique-t-elle.
Si certains de ses collègues comprennent son engagement, et même s’en inspirent, d’autres font eux aussi preuve d’une certaine violence envers elle. « Certains m’ont mise à l’écart, alors que j’accompagnais une personne à un rendez-vous », se souvient-elle. Peu à peu, elle constate que les plus à l’écoute sont celles et ceux qui ont participé à des co-formations en Croisement des savoirs et des pratiques proposées par ATD Quart Monde.
Ces difficultés ne l’empêchent pas d’avancer. Elle participe à la création de lieux d’accueil parents-enfants, dont La petite maison ; elle anime chaque mois la réunion du « groupe familles » sur un thème que les personnes choisissent, comme l’orientation scolaire, le logement ou le travail, afin de préparer des rencontres avec des professionnels ou des élus ; elle travaille avec des militants Quart Monde et des professionnels du département pour contribuer à la rédaction du Projet pour l’enfant, un document élaboré pour chaque mineur accompagné par les services de l’Aide sociale à l’enfance… Pendant toutes ces années, Mariette Legendre est poussée par « un souhait : que chacun s’accomplisse, développe ses valeurs et ses compétences, ait l’espoir d’être enfin inclus dans cette société, d’être libre », décrit-elle.
Écrire sur le militantisme
Depuis qu’elle est à la retraite, elle s’occupe encore davantage de l’accès aux droits des personnes en situation de pauvreté. « Pour moi, on est sur terre pour essayer d’améliorer la vie, pour que les humains soient plus heureux, pour rappeler inlassablement que chaque personne a une valeur inaliénable. Je ne conçois pas une vie uniquement dans la consommation. Nous sommes de passage, mais nous pouvons laisser quelques marques de mieux-être aux autres », affirme-t-elle.
Elle voudrait désormais écrire l’histoire d’une famille qu’elle a accompagnée, ainsi qu’un texte sur le militantisme, qu’elle a promis à Marcelle. « C’est maintenant le temps de la transmission » à ses enfants et petits-enfants, pour rappeler à toutes et tous « l’importance de faire attention aux autres ». L’année 2025 marquera un tournant : elle va revenir s’installer près d’Angers. Elle ne souhaite pas s’engager à nouveau dans un groupe local. Mais, pour boucler la boucle, elle aimerait organiser une sortie avec les militants Quart Monde de Brest, afin de leur faire découvrir où habitait Joseph Wresinski et, peut-être, faire naître de petites étincelles d’engagement chez de nouvelles personnes.
Ce portrait est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de février 2025.