Depuis quelques mois, Héloïse Lecomte découvre le volontariat, dans le Jura. À 27 ans, elle a trouvé dans cet engagement « une forme de cohérence pour être davantage unifiée à elle-même et à l’autre ».
Dans la maison de vacances familiales de La Bise, Héloïse Lecomte a posé ses bagages en septembre dernier et a senti qu’elle avait peut-être enfin trouvé sa place. Des images des vacances de son enfance lui sont revenues en mémoire. « Avec ma famille, nous allions dans le Vercors, dans une maison qui a marqué mon enfance. Là se réunissaient des personnes sensibles à l’idée d’une vie sobre, désireuses de revenir à l’essentiel », explique-t-elle. Héloïse a ainsi grandi avec l’idée que « tout le monde devrait avoir le droit de vivre cette vie légère, de pouvoir être écouté et accepté tel que l’on est ».
À l’adolescence, son envie de « rechercher le beau » la pousse d’abord vers le métier de violoncelliste. « J’aimais beaucoup jouer, mais c’est un monde de compétition. Un monde qui ne m’a pas fait du bien », se souvient-elle. Les soirs de concert, au milieu de l’orchestre, elle perd peu à peu le sens de sa passion pour la musique. « On jouait pour des personnes qui pouvaient se payer leur place, on saluait, elles applaudissaient et on partait, sans avoir aucun lien avec elles », regrette-t-elle.
Avec son violoncelle et en quête de sens, elle part un an au Mexique pour donner des cours à des jeunes, dans un bidonville. Ce qui la marque le plus, ce sont les moments passés avec ses élèves à parler de leurs vies, de leurs difficultés et de leurs joies. Elle comprend alors que la musique est avant tout pour elle « un moyen de créer du lien ». De retour en France, elle se lance dans la musicothérapie pour utiliser son art dans une démarche de soin auprès de personnes porteuses de différents handicaps ou souffrant de névroses ou de dépression. Mais, rapidement, sa position de professionnelle apportant un savoir et des techniques ne lui convient pas. « J’étais frustrée de ne rester avec une personne ou un groupe seulement 30 minutes ou une heure, sans rien savoir de ce que vivaient ces gens au quotidien. Moi, ce qui m’animait c’était de vivre avec eux. »
Un sentiment d’unification
Héloïse Lecomte abandonne alors la musique pour devenir éducatrice dans un institut médico-éducatif, à Dijon, cherche sa voie, s’engage dans des actions associatives. Elle participe à des actions du groupe local d’ATD Quart Monde à Dijon, puis passe quelques jours à Méry-sur-Oise, au Centre international du Mouvement, pour un chantier. « C’est là qu’est né mon désir d’être volontaire. La rencontre avec des volontaires permanents a été très inspirante pour moi. J’ai été touchée par leur engagement, ce qu’ils portent pour le monde. Cela a rejoint quelque chose d’assez profond en moi », explique-t-elle.
Elle termine la semaine de chantiers avec « un sentiment d’unification, une forme de cohérence pour être davantage unifiée à soi-même, à l’autre ». Cette expérience la pousse à porter un regard différent sur ce qu’elle a vécu jusqu’alors et sur sa grande soif de « changer le monde ». Elle repense notamment aux distributions de nourriture qu’elle a assuré, quelques semaines plus tôt, dans le camp de réfugiés de Grande-Synthe. « Je passais des journées à faire des tartines. Aujourd’hui, je me demande pourquoi j’ai fait ça. Une des seules choses que ces personnes peuvent faire si elles en ont envie, c’est justement de faire leurs tartines, de choisir ce qu’elles veulent mettre dessus. Cela peut être un petit acte de liberté. Même cela, je ne les laissais pas faire, parce que j’avais envie de les aider, parce que je voulais être utile », constate-t-elle. Elle veut aujourd’hui être « plus attentive à ces petits gestes et apprendre à être plus ajustée dans la relation à l’autre ».
Le maillon d’une chaîne
À la Bise, elle se bat pour le droit aux vacances, s’emploie à ce que les personnes accueillies pendant les séjours « passent un temps qui leur fait du bien, reprennent des forces pour repartir ensuite dans leur quotidien difficile ». Elle découvre aussi au fil des mois la force des liens créés dans la région autour de l’équipe de la Bise. « On est tous un maillon d’une chaîne et ATD Quart Monde rassemble plein de gens qui ont envie d’aider, d’apporter un savoir, de partager. C’est très précieux la force de ce réseau. »
Au quotidien, il lui arrive de douter de l’impact de son action et aimerait voir des résultats concrets et rapides, ce qui n’est pas forcément le cas. Elle peut parfois se sentir un peu « écrasée » par le combat à mener. « Le Mouvement est très riche et inspirant. Petit à petit, je prends conscience que je fais partie de ce collectif sur lequel je peux m’appuyer. En même temps, sa taille et son ancienneté peuvent me faire peur. Je ressens une liberté et une prise d’initiative, ou prise de risques, bien moindre que les premiers volontaires qui avaient tout l’avenir devant eux pour façonner le Mouvement selon leur imagination », détaille-t-elle.
Le volontariat permanent, et sa rémunération modeste égale pour toutes et tous quelles que soient les qualifications ou les missions, reste pourtant pour elle « une excellente réponse aux enjeux d’inégalités dans le monde ». Elle souhaiterait que de nombreux jeunes rejoignent cette grande maison que constitue ATD Quart Monde, « où chacun peut apporter ce qu’il est afin de participer à ce combat pour refuser la misère et trouver plus de cohérence de vie ».