Les visages d'Atd Quart Monde :France Fournier : « À travers le monde, il y a des gens qui marchent le 17 octobre pour éliminer la pauvreté »
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Militante Quart Monde au Québec, France Fournier est depuis plusieurs années très impliquée dans la Journée mondiale du refus de la misère. C’est pour elle une « source d’énergie » pour lutter contre les préjugés touchant les personnes en situation de pauvreté et faire progresser la société.
« L’engagement, c’est dans mon ADN parental. Je suis tombée dans la marmite quand j’étais petite, comme Astérix », affirme en riant France Fournier. Mais ce n’est pas dans la Gaule du personnage de bande-dessinée qu’elle s’est engagée, mais de l’autre côté de l’Atlantique, au Québec, où elle est née. Lorsqu’elle rencontre ATD Quart Monde, il y a plus de 30 ans, elle n’en peut plus de voir d’autres personnes prendre des décisions pour elle. « Quand on décide ce qui est meilleur pour l’autre sans lui demander son avis, le risque est grand de travailler dans le vide », estime-t-elle. Elle est alors attirée par ce Mouvement qui propose de « faire avec » les personnes. « Cela a allumé quelque chose en moi. J’ai compris que le malheur, parfois, c’est de penser que nous avons le savoir et pas les autres. J’ai vu l’importance de demander l’avis, de partager nos savoirs », se souvient-elle.
Aller chercher les personnes une par une
Petit à petit, elle essaye de discuter avec les professionnels du travail social ou de la santé qu’elle rencontre, pour tenter « d’allumer » aussi quelque chose en eux. « Entre l’idéal qu’ils nous présentent et le plancher des vaches, ce qu’on vit au quotidien, parfois la marche est très haute. Nous aussi, nous pouvons leur apprendre des choses. »
France Fournier se souvient notamment des cours sur l’alimentation et la gestion du sucre qu’elle a dû suivre lorsqu’elle a appris qu’elle avait du diabète. « On me parlait des légumes, des viandes les moins grasses, des poissons… Est-ce que vous pensez que les gens qui ont très peu de revenus peuvent suivre toutes ces recommandations ? N’est-il pas possible de discuter ensemble pour que les personnes se sentent moins coupables de ne pas être capables de suivre ces indications ? Peut-on faire avec les personnes, pour leur permettre de gravir des échelons en allant au maximum de leurs capacités ? », demande-t-elle. Elle sent que ce n’est pas simple, qu’il faut « aller chercher les personnes une par une », mais que cela permet « une progression, même petite ».
Collectif pour un Québec sans pauvreté
Toujours partante pour tenter de faire évoluer la société, elle accepte tout de suite lorsqu’ATD Quart Monde lui propose de devenir membre du Collectif pour un Québec sans pauvreté. « On va aller voir ce que ça mange en hiver », pense-t-elle alors, ce qui signifie en québécois qu’elle est curieuse d’en savoir plus sur ce collectif, qui regroupe 35 organisations nationales québécoises pour la défense des droits et la promotion de la justice sociale.
Reconnu et écouté par les élus, ce collectif obtient après un long combat l’adoption, en décembre 2002, de la loi 112 visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ce texte reconnaît notamment que la pauvreté représente une menace pour les droits et libertés des citoyens et oblige le gouvernement québécois à s’assurer que toute nouvelle réglementation protège les droits des personnes en situation de pauvreté et d’extrême pauvreté. « Cela n’a pas fait des miracles, mais ça aide quand même », constate France Fournier.
Lutter contre les préjugés
Depuis 2017, elle est également membre du Comité international 17 octobre, créé pour soutenir et promouvoir la célébration de la Journée mondiale du refus de la misère partout dans le monde. Cette journée du 17 octobre est pour elle une « source d’énergie ». Des manifestations et des prises de parole sont organisées à cette occasion dans de nombreuses villes du Québec. « Le fait de savoir qu’à travers le monde il y a des gens qui marchent pour éliminer la pauvreté permet de ne pas se sentir seule, mais aussi d’informer les gens », souligne-t-elle. Le 17 octobre, plus encore que les autres jours de l’année, elle se donne pour mission de « lutter contre les préjugés que les personnes en situation de pauvreté reçoivent sans cesse en plein visage. Elles entendent qu’elles ne font rien, que ce sont des profiteuses, qu’elles restent assises chez elles à attendre… Cela finit souvent par atteindre leur estime d’elles-mêmes. Ce n’est gagnant pour personne dans la société, au final ».
Au nom du Comité international, elle sera cette année à Dakar, au Sénégal, pour le 17 octobre. Après sa venue en France en 2022, pour les 30 ans de la reconnaissance de la Journée mondiale du refus de la misère par les Nations Unies, elle entend bien défendre les droits humains sur tous les continents. « ATD Quart Monde, c’est comme une allumette. Cela ne met pas forcément le feu, ne crée pas toujours un incendie, mais c’est très éclairant. Une personne peut ainsi être allumée sur son propre développement, puis, peu à peu, en ‘contaminer’ d’autres et ça fait la différence dans la société », conclut-elle. Julie Clair-Robelet
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de septembre-octobre 2024.
