L’Entreprise à but d’emploi Enjoué, à Villeurbanne, a ouvert des perspectives d’avenir à Amélie Motchian, qui rêve de développer de nouvelles activités.
Chaque année, près de 40 millions de jouets sont jetés en France et la durée moyenne d’utilisation d’un jouet est de huit mois. Face à ce gaspillage qui la désespère, Amélie Motchian se sent désormais “utile pour la planète”. Entourée de centaines de jouets, peluches et jeux de société, elle exprime sa fierté d’être salariée de l’Entreprise à but d’emploi (EBE) Enjoué. Cette entreprise fait partie de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée et mène une activité de collecte, de reconditionnement et de revente des jouets.
Amélie a d’abord été recrutée en CDI, en 2018, dans l’Entreprise à but d’emploi Emerjean. Elle est alors au chômage depuis un an et habite le quartier Saint-Jean, à Villeurbanne, deux conditions nécessaires pour être embauchée. “C’est une amie qui m’a dit de venir voir. Je suis allée m’inscrire puis, très rapidement, j’ai fait une formation et j’ai commencé”, se souvient-elle. Elle ne sait alors pas vraiment ce qu’est une EBE et s’étonne de participer elle-même à la création des activités de l’entreprise. Mais des membres d’ATD Quart Monde, à l’origine de l’expérimentation, la rassurent et l’encouragent. “J’étais polyvalente, je faisais la blanchisserie, la cuisine, l’entretien dans des bureaux…”, détaille-t-elle.
L’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée lui redonne espoir en l’avenir. “Quand tu restes à la maison, tu déprimes. Travailler, c’est bon pour la santé, ça me permet d’avoir un but en me levant le matin, de dialoguer avec d’autres personnes, d’avancer dans mon parcours, de montrer mon savoir-faire”, précise-t-elle.
Pourtant, c’est bien le travail qui a eu des effets négatifs sur sa santé. “Pendant dix ans, je m’occupais des personnes âgées dans les maisons de retraite de Villeurbanne. Puis, j’ai eu un accident en portant une dame de son fauteuil à son lit. Je l’ai sauvée, mais ça m’a un peu esquinté les genoux et, après, je ne pouvais plus travailler”, raconte-t-elle. À Emerjean, elle reprend peu à peu confiance en elle. “Grâce à ce travail, je savais que ma famille aurait quelque chose à manger, que nous allions pouvoir partir en vacances. Mes filles de 16 et 20 ans aujourd’hui trouvent ça bien de ne plus me voir à la maison”. Elle découvre petit à petit le fonctionnement de l’Entreprise à but d’emploi : nous sommes tous à égalité, nous avons tous le même salaire, même ceux qui travaillent dans l’administration. Les salariés peuvent évoluer, valider leurs compétences pour avoir des diplômes. C’est bien pour l’État aussi, parce qu’il y a moins de chômage”, détaille-t-elle.
Activité variée
Rapidement, elle entend qu’une nouvelle activité va se développer, autour du recyclage des jouets. “Je doutais, parce qu’on dit souvent ça, mais après, au dernier moment, on laisse tomber. Je me demandais si cela allait se faire. Et puis, ça a vraiment démarré...”. Enjoué collecte les jouets chez des particuliers, mais aussi dans des entreprises, les trie, les revalorise et les revend pour leur donner une seconde vie. “Cela permet à d’autres personnes de se les payer. C’est bien, parce que les jeux, ça coûte cher. Plutôt que de les laisser prendre la poussière dans des placards ou qu’ils soient jetés, après avoir servi deux fois, c’est mieux de faire plaisir à d’autres enfants”, souligne-t-elle. Amélie s’épanouit pleinement dans cette activité extrêmement variée : “Parfois, on est sur l’ordinateur pour la vente en ligne, puis on classe les jouets par catégorie, on les nettoie. Le dialogue avec les clients me plaît aussi. Nous travaillons avec des crèches, des centres de loisirs… Ici, on touche à tout, c’est plus intéressant que dans les autres entreprises”. Une boutique éphémère s’est même installée ces deux dernières années, pendant les vacances de Noël, dans le centre commercial de la Part-Dieu, à Lyon.
Mais ce qu’Amélie préfère, c’est partager ses compétences avec de nouveaux salariés ou expliquer, à l’extérieur de l’entreprise, en quoi consiste son travail. Elle a notamment participé, avec ATD Quart Monde, au festival Dialogues en humanité en 2019 et 2020, au parc de la Tête d’or. “Avec d’autres salariés, on a fait une pièce de théâtre pour présenter ce qu’on faisait. Nous avons beaucoup discuté, ATD Quart Monde nous a soutenus”, se rappelle-t-elle.
Enjoué a été conventionnée Entreprise à but d’emploi au début de l’année 2022 et compte aujourd’hui neuf salariés. Mais Amélie a d’autres ambitions pour son entreprise. “Mon rêve est que ça se développe au-delà de l’Europe. Il y a beaucoup d’enfants en Afrique qui seraient trop contents de pouvoir profiter de ces jouets”, explique-t-elle. Elle qui est arrivée de Côte-d’Ivoire à l’âge de 15 ans s’imagine déjà fonder une entreprise similaire là-bas. “J’aimerais bien investir, si on m’aide dans mon aventure”, précise-t-elle, les yeux rêveurs. Julie Clair-Robelet
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de juin 2022.
Photo : Amélie Motchian dans l’atelier de tri de jouets d’Enjoué. © Laurent Ganau