Un nouveau visage à la Délégation nationale

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Ketty Tremoulu rejoint en ce début d’année l’équipe de la Délégation nationale d’ATD Quart Monde. Guillaume Amorotti termine son mandat.

Tous deux volontaires permanents, Guillaume Amorotti et Ketty Tremoulu ont comme point commun d’avoir été en mission à Madagascar et à Noisy-le-Grand et de ne pas trop aimer les interviews. Ensemble, ils ont cependant accepté de se pencher sur leurs parcours et d’expliquer ce que représente, pour eux, la Délégation nationale.

Qu’est ce qui vous a poussés à devenir volontaires permanents ?

Guillaume Amorotti : C’était en 2011, j’avais 26 ans et j’étais alors tapissier décorateur d’intérieur depuis 7 ans. J’étais engagé dans plusieurs associations et, dans mon adolescence, je traînais dans des squats et avec des personnes vivant à la rue. J’étais indigné de voir des personnes laissées ainsi de côté. J’ai voulu passer d’un engagement ponctuel à un engagement à plein temps qui avait du sens. ATD Quart Monde m’a fait confiance et, un mois et demi après mon premier mail, j’ai quitté mon boulot pour devenir volontaire.

Ketty Tremoulu : Je connaissais ATD Quart Monde depuis les années 1980, car il y avait des volontaires dans le bidonville où je vivais, à la Réunion. Ces personnes m’ont donné beaucoup. Elles m’ont permis de prendre du recul sur ma propre histoire, d’apprendre à regarder l’autre tel qu’il est. J’ai participé à des Bibliothèques de rue et je me suis formée à l’animation. À 20 ans, je me suis engagée dans une association réunionnaise d’éducation populaire et j’ai vu des jeunes qui ne croyaient plus du tout en l’avenir. Je ne pouvais pas faire autre chose de ma vie que de m’engager avec toutes ces personnes qui ont une telle richesse en elles. Alors, je suis entrée dans le volontariat, à 22 ans, en 1990.

Quel est votre souvenir le plus marquant en tant que volontaire ?

G.A. : À mon arrivée, j’étais dans un groupe de volontaires très hétéroclite. J’ai été impressionné par l’écoute, le respect de la parole de l’autre. Malgré nos différences, on ne se coupait pas la parole, on ne ramenait pas tout ce qui était dit à notre propre histoire, on ne commençait pas nos phrases par “oui, mais”… On recevait la parole de l’autre, on échangeait simplement.

Je me souviens aussi d’une soirée avec des jeunes de la cité, à Noisy-le-Grand, lors d’un barbecue chez des voisins. Ils savaient que j’étais volontaire, que je vivais avec peu et que c’était un choix pour moi de vivre ici. Nous avons eu un débat très enrichissant. Une semaine après, cinq ou six jeunes sont venus frapper à ma porte : ils s’étaient cotisés pour me payer l’entrée au Salon de l’automobile pour qu’on y aille ensemble. C’était un geste très fort.

K.T. : J’ai tellement de souvenirs marquants ! À Madagascar, j’étais touchée par les enfants de la Bibliothèque de rue, qui vivaient dans une grande pauvreté, mais étaient toujours heureux et avides d’apprendre. Une jeune fille m’a incitée à mettre en place une bibliothèque ambulante. J’ai commencé à lui prêter des livres et elle a pu transmettre son savoir aux autres, c’était extraordinaire.

Il y a eu aussi le choc que j’ai ressenti en arrivant à Noisy-le-Grand. J’ai découvert d’autres facettes de la pauvreté. Pour moi, cela n’était pas possible, en France, dans ce pays développé. Je me suis sentie désarmée. Heureusement, le travail en équipe permet de se poser quand ça ne va pas, pour mieux repartir ensuite sur le terrain. Sans équipe, nous n’aurions pas ce recul, cet appui. Quand tu ne peux plus, il y a toujours quelqu’un qui va prendre la suite, on n’abandonne jamais la personne.

Comment avez-vous réagi quand on vous a proposé de devenir membre de la Délégation nationale ?

K.T .: J’avais toujours dit que je ne prendrais jamais cette place, car je me demandais comment les membres de la Délégation nationale (DN) faisaient pour porter toutes ces dimensions à la fois.

G.A. : Moi aussi, je me suis toujours dit que, jamais, je ne ferais cette mission ! Je n’aurais d’ailleurs pas pensé qu’on me la propose. Pour moi, cela revenait à sortir complètement de ma zone de confort ! Mais j’ai vu qu’on me faisait confiance.

K.T. : Je me suis demandée si j’en étais capable. Je me suis fait aider et finalement j’ai accepté pour plusieurs raisons. Cela fait deux ans que je chemine, entre autres, avec Paul et Isabelle, j’ai pensé que je n’avais pas le droit de refuser et de les laisser repartir de zéro avec une personne qu’ils ne connaissaient pas. Une autre raison est que mon mari n’est pas volontaire, il a un emploi en Ile-de-France, donc mes missions doivent rester dans ce périmètre. Enfin, Guillaume m’a rassurée en m’expliquant quel était son rôle.

Quel est, pour vous, le rôle de la Délégation nationale et votre rôle en son sein ?

G.A. : J’ai appris au fur et à mesure à trouver ma place, on s’est vraiment complété tous les trois. La mission principale de la DN est d’être à l’écoute, de prendre le temps de rencontrer les membres du Mouvement, de comprendre la réalité de chacun des groupes locaux. Il faut beaucoup de patience, de l’adaptabilité aussi, parce qu’on peut être malmené, et des stocks de chocolats! Le rôle de la DN n’est pas de trancher seule, mais d’aider à faire consensus ou, si cela n’est pas possible, de prendre une décision qui soit la plus juste pour tout le monde. Cela demande beaucoup de discussions, mais aussi d’assumer ses responsabilités, toujours en équipe. Nous nous sommes naturellement répartis des thématiques et, assez rapidement, je me suis tourné vers les questions d’écologie, de mobilisations et de jeunesse.

K.T. : J’attends d’être “dans l’action” pour savoir. J’ai toujours trouvé énormes les attentes des personnes vis-à-vis de la DN. Lorsque j’étais au Pôle dialogue action connaissance, j’ai essayé de soutenir la DN, car je pense que ses membres ont besoin de lieux de parole où ils peuvent parler librement, où ils peuvent prendre du recul. Cela peut faire un peu peur, mais je suis de nature à foncer et à analyser la situation au fur et à mesure.

La question de l’engagement me tient à cœur. Je suis admirative devant les alliés, les militants Quart Monde qui se donnent à fond. Sans engagement, le Mouvement n’existe pas. Il faut savoir comment susciter de nouveaux engagements pour que ces personnes puissent, à un moment donné, se dire qu’elles peuvent aussi se reposer, prendre du temps pour elles, pour repartir encore plus fortes ensuite. L’engagement auprès des familles les plus pauvres est difficile, mais nous devons être exigeants. C’est important de garder cette exigence.

Guillaume, pourquoi quitter la Délégation nationale ?

À mon retour précipité de Madagascar pour des raisons de santé, j’avais besoin de faire une pause, mais j’ai enchaîné, avec plaisir, sur la coordination nationale de la campagne « Stop pauvreté » de 2017. Puis, on m’a proposé de rejoindre l’équipe de la Délégation nationale. Le mandat normal est de quatre ans, mais j’ai demandé de pouvoir m’engager sur une durée de deux ans renouvelables. Je suis finalement resté deux ans et demi.

C’est un choix mûri depuis longtemps. Aujourd’hui, j’ai besoin de requestionner mon engagement, de découvrir d’autres choses. Pour vivre cela, je quitte également le volontariat. J’ai le projet depuis longtemps d’aménager un camion pour partir sur les routes de France et prendre le temps de la rencontre jusqu’à la fin de l’été 2021. Je souhaite aussi visiter les lieux qui expérimentent d’autres approches du travail, de la formation et de la gestion des biens.

Je ne quitte pas le volontariat parce que je ne m’y retrouve plus. Cet engagement correspond pleinement à ce que je suis. Mais cela fait presque 10 ans et j’ai besoin de me retrouver pour, peut-être, mieux revenir plus tard. Je resterai de toute façon très proche d’ATD Quart Monde, car l’alliance est pour moi tout aussi importante pour faire bouger la société.

Avez-vous un conseil pour Ketty ?

Il faut se laisser porter par des choses dans lesquelles on ne pensait pas aller un jour, mais il faut aussi pouvoir exprimer ses limites. Je sais qu’elle osera ! Ils vont faire une belle équipe à la Délégation nationale. Je vais lui acheter du chocolat et un stock de tisanes en partant ! Propos recueillis par Julie Clair-Robelet

Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de janvier 2021.

 

Photo : Volontaire depuis 30 ans, Ketty Tremoulu a travaillé notamment à Madagascar, à Noisy-le-Grand, au sein de la Dynamique jeunesse et du Pôle dialogue action connaissance. Elle rejoint Paul Maréchal et Isabelle Bouyer à la Délégation nationale. © JCR, ATD Quart Monde

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