Tapori, une “ouverture sur le monde”

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À l’Île Maurice, à Haïti et en Côte d’Ivoire, les groupes Tapori vivent des réalités très différentes, mais partagent des objectifs communs et “expérimentent les valeurs qui font grandir”.

C’est dans “un petit quartier pas très joli à vivre, où il n’y a aucune activité pour les enfants” que se réunit deux fois par mois le groupe Tapori de Richelieu, à l’Île Maurice. C’est ainsi que le décrit Vanina Goolamsing, l’une des animatrices, et pourtant elle ne “pourrait plus se passer de ce rendez-vous avec les enfants”. Pour la dizaine d’enfants présents, Tapori offre un espace de respiration dans un quotidien parfois difficile. Avec les deux autres animatrices, elles proposent des jeux et des chants, mais aussi des moments de réflexion qui portent leurs fruits. Ainsi, après avoir travaillé sur l’injustice, une petite fille du groupe a constaté que “sa maîtresse méprisait une autre élève à cause de sa couleur de peau. Elle a osé aller lui parler, puis, même si les adultes se fâchaient ou ne l’écoutaient pas, elle n’a pas baissé les bras”, raconte Vanina Goolamsing. “Je suis fière de ces enfants. Je vois qu’ils ont compris comment se servir de ce qu’ils ont appris et ils vont grandir avec cet esprit”, souligne-t-elle.

Dans une vidéo qu’ils ont réalisée pour la Lettre de Tapori d’août 2022, transmise à tous les groupes Tapori dans le monde, les enfants de Richelieu parlent de leurs rêves. “Je rêve de quitter cet endroit, de partir quelque part où je serai en sécurité. Mon rêve est de devenir enseignante pour apprendre à lire à tous les enfants. J’ai envie d’une vie meilleure, où il n’y aurait pas de pollution”, répondent Anna, Clara et Joshua.

À plus de 7 000 km, leurs mots ont marqué les 11 enfants du groupe Tapori d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Ils sont tous élèves à l’école française, ils ne vivent pas dans la pauvreté et peuvent accéder à de nombreuses activités mais, eux aussi, attendent avec impatience ce rendez-vous, deux mercredis par mois. “C’est une ouverture sur le monde, les enfants ont des images des autres pays dans la tête, visualisent les lieux, chantent des chansons dans d’autres langues, cela les touche”, explique Caroline Blanchard, alliée française d’ATD Quart Monde installée en Côte d’Ivoire. C’est elle qui a créé le petit groupe, suite à une question de sa fille : “mais en fait, c’est quoi la pauvreté et qu’est-ce que tu fais à ATD Quart Monde ?”.

“S’approcher de ceux qu’on méprise”

Les premières rencontres n’étaient pas simples, les enfants ont dû apprendre à s’écouter, à se concentrer sur les activités. Mais, rapidement, ils ont réussi à réfléchir au thème donné, puis à définir la pensée du groupe. Ils sont également allés à plusieurs reprises dans des écoles publiques de la ville pour “créer les conditions de la rencontre”, explique Caroline Blanchard. “Tapori permet de s’approcher de ceux qu’on rejette, qu’on méprise. J’apprends avec eux à ne pas me décourager et à sentir le soutien des autres pour surmonter les problèmes”, souligne Caroline Gazé, militante Quart Monde ivoirienne qui anime également le groupe.

Début 2023, la Lettre de Tapori les invitait à imaginer à quoi ressembleraient leurs chaussures pour partir en expédition contre les injustices. Après de longues discussions, les enfants se sont mis d’accord pour construire une chaussure, “avec une caméra et un micro, pour témoigner des injustices vécues ; une semelle très épaisse, parce que ça va durer longtemps et il faut marcher beaucoup ; une réserve de nourriture et d’eau, parce qu’on ne sait pas ce qui nous attend sur le chemin”, détaille Caroline Blanchard. Tapori est “extrêmement profond, exigeant et, à mon avis, ça change le monde”, affirme-t-elle.

“L’espoir dans un monde meilleur”

Cet enthousiasme est partagé par Mogène Alionat, volontaire permanent d’ATD Quart Monde à Haïti, qui anime le groupe Tapori. “Cela représente l’espoir dans la construction d’un monde meilleur, un monde où personne n’est exclu. Les enfants se préparent à devenir des citoyens et des citoyennes et leurs connaissances seront utiles à eux-mêmes, à leur communauté et, plus largement, à leur pays”, détaille-t-il. Depuis novembre 2021, une quinzaine d’enfants se réunissent toutes les deux semaines. La plupart ne sont plus scolarisés en raison de l’insécurité qui règne dans le pays. “Il expérimentent les valeurs qui font grandir, comme le respect, l’estime de soi, l’amitié, et sentent qu’ils appartiennent à un mouvement plus large, en étant relié à d’autres enfants du monde”, explique Mogène Alionat.

Il espère que Tapori “leur donne une ouverture pour comprendre que ce qu’ils vivent n’est pas une réalité normale : tous ces enfants vivent dans un environnement qui est sous l’emprise des gangs, où avoir une arme dans la main, c’est une fierté, où un chef de gang peut être pris comme un modèle, où l’école, l’apprentissage d’un métier est méprisé”. En écoutant les rêves des enfants de l’Île Maurice et d’ailleurs, le volontaire permanent espère que les petits haïtiens membres du groupe Tapori “donneront une autre orientation à leur propre rêve”.

« Il faut donner aux enfants les moyens de s’exprimer »

À La Réunion, le groupe Tapori de Saint-Pierre réunit depuis trois ans une quarantaine d’enfants.

Sur le grand tapis bleu et jaune installé au milieu des rochers peints par les enfants, Nisrina, Yacine, Fatima et Lauriane sont concentrés. Ils doivent réfléchir à ce qu’est un obstacle pour eux. « C’est un danger », lance l’un d’eux. Pour les autres, il s’agit plutôt d’un “embouteillage”. Depuis quelques semaines, ils se sont penchés avec leurs animatrices sur la manière dont ils peuvent lutter contre les injustices. “Ce chemin peut être long et difficile et vous allez parfois avoir des cailloux dans vos chaussures. Quels sont les obstacles qui peuvent se présenter sur votre route ?”, leur demandent les animatrices. Peu à peu, les mots deviennent plus clairs pour chacun.

Ils sont une quarantaine à venir tous les mercredis au groupe Tapori du quartier Joli-Fond, à Saint-Pierre. La plupart ont entre 8 et 11 ans. “Nous avons commencé par faire une Bibliothèque de rue et nous utilisions les Lettres de Tapori, car il y avait des histoires vraies dans lesquelles les enfants se retrouvaient beaucoup. Alors, nous leur avons expliqué ce qu’était Tapori et nous avons créé un groupe”, expliquent Séverine et Marinette Pally, deux animatrices.

Changer la société

Depuis trois ans, un peu avant 14 h, elles font chaque semaine le tour des immeubles pour inviter les enfants à venir s’installer tout près du jardin partagé. Elles commencent toujours par la lecture d’un livre, “pour poser un peu le cadre”, puis tous chantent en créole. Un jeu permet ensuite de bien se connaître ou de se préparer à être à l’écoute, avant de commencer le temps de réflexion.

Les enfants nous partagent vraiment leur quotidien. Ils ont beaucoup de choses à dire, il faut les écouter, leur donner les moyens de s’exprimer”, constatent les deux animatrices. Ces rencontres leur permettent de mieux comprendre comment vivent d’autres enfants de leurs groupes, mais aussi dans le monde, ils apprennent à s’ouvrir aux différences. “Ils ont beaucoup aimé lire les histoires racontées par des enfants vivant en Afrique, qui n’ont pas accès à l’eau, ou pour qui l’école n’est pas gratuite. Cela les a marqués et fait réfléchir”, soulignent Séverine et Marinette Pally. Pour elles, c’est sûr, les enfants du groupe Tapori “peuvent changer la société et être des moteurs du changement”.

 

Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de septembre 2023.

 

Photos : Groupe Tapori d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. © Caroline Blanchard / Groupe Tapori de La Réunion. © Marinette Pally

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