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Mesure de la pauvreté : « Il y a une sorte de déconnexion entre les indicateurs dont on dispose et la réalité observée » (Éléonore Richard)

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Autrice d’une thèse intitulée « Mesurer la pauvreté : du revenu au ressenti. Contributions aux approches subjective et multidimensionnelle de la pauvreté », Éléonore Richard souhaite développer la participation des personnes concernées dans la pratique des économistes, afin de mieux cibler les politiques publiques.

Votre thèse s’intitule « Mesurer la pauvreté : du revenu au ressenti ». Comment mesure-t-on le ressenti de la pauvreté ?

Les personnes en situation de pauvreté échappent un peu aux radars des statistiques et il y a donc très peu de chiffres pour quantifier la pauvreté. Dans ma thèse, je mobilise principalement une source de l’Insee : les statistiques sur les ressources et les conditions de vie. À ma connaissance, ce sont les seules données qui permettent de croiser les regards sur la pauvreté en combinant l’approche par les revenus avec des variables subjectives.

Pour mesurer le ressenti de la pauvreté, on utilise des moyens très imparfaits, comme des échelles de 0 à 10. On peut demander par exemple : « comment vous sentez-vous intégré à la société ? ». Mais les personnes ne mettent pas la même chose derrière un chiffre sur une échelle, le vécu est beaucoup plus riche.

C’est cependant intéressant de mettre en parallèle une réponse subjective avec des éléments plus objectifs, afin de comparer qui se sent pauvre et qui est pauvre monétairement. Dans ma thèse, je n’étudie pas uniquement le ressenti de pauvreté, mais plus largement le bien-être.

Quelles conclusions en tirez-vous ?

Je vois qu’il y a des chutes de revenu qui sont plus difficiles à vivre que d’autres. Les personnes qui tombent en dessous d’un certain seuil de revenu, autour de 80 % du revenu médian en France, ont une chute de bien-être plus importante que les autres, quelles que soient la configuration familiale, l’ampleur de la chute de revenu, le revenu de l’année précédente… C’est particulièrement difficile pour les personnes de tomber sous 80 % du revenu médian, plutôt que 60 %, qui est le seuil le plus souvent utilisé pour mesure la pauvreté monétaire et qui correspond à 1 216 euros pour une personne seule. Plusieurs études montrent d’ailleurs que 80 % du revenu médian représente à peu près le revenu minimal pour mener une vie décente.

Vous avez participé au travail mené par l’Insee avec ATD Quart Monde, le Secours Catholique et l’École d’Économie de Paris pour mieux mesurer la pauvreté. Que vous a apporté ce projet ?

Les échanges avec les personnes concernées par la pauvreté m’ont semblé absolument nécessaires. J’aimerais conserver cette approche pour la suite de mes travaux. Je poursuis d’ailleurs ce projet avec Thomas Lellouch, directeur du projet Statistiques de la grande pauvreté à l’Insee. Nous testons actuellement les questions élaborées avec les personnes concernées que l’Insee pourrait intégrer à l’enquête sur les ressources et les conditions de vie.

Nous avons eu des retours très intéressants qui posent notamment la question de ce qu’il est possible de mesurer avec des indicateurs ou pas. Il est utile d’avoir des chiffres pour mener des politiques publiques. Mais, en même temps, la pauvreté est tellement complexe que les dynamiques de cumul des difficultés sont difficiles à saisir avec des chiffres. On a besoin d’un faisceau d’indicateurs qui étudient aussi le cumul des désavantages subis par les personnes et les dimensions non-monétaires de la pauvreté.

Quelles pourraient être les conséquences d’une mesure plus fine de la pauvreté ?

Depuis le Covid, on a la sensation que la pauvreté augmente. On le voit dans les files d’attente des distributions alimentaires, dans les observations des associations… Mais dans les chiffres, on ne le voit pas vraiment. Il y a donc une sorte de déconnexion entre les indicateurs dont on dispose et la réalité observée. Réfléchir à d’autres indicateurs permettrait de mieux refléter ce qu’il se passe et, peut-être, de faire évoluer les politiques publiques s’il y a une volonté politique de le faire.

La participation des personnes concernées est-elle courante dans la pratique des économistes ?

Pas du tout. Je crois qu’il y a une méconnaissance des méthodes participatives. Il y a parfois aussi des préjugés sur la capacité des personnes pauvres à produire de la pensée constructive et critique sur leur situation. Par ailleurs, ce qui est très valorisé dans le champ académique en économie, c’est davantage la rigueur des méthodes, l’évaluation des causes, qui peuvent être plus compliquées à mettre en place quand on parle de la pauvreté.

Pourtant, je pense qu’on ne peut pas comprendre les effets des réformes sur la protection sociale ou les minima sociaux par exemple, sans considérer les freins concrets que vivent les personnes à qui s’adressent ces politiques. Ne pas inclure les personnes concernées dans ces réflexions est une forme de violence, qui est peu visible, mais qui existe. Lorsque l’on vit la pauvreté et les privations, le fait, en plus, de ne pas avoir la possibilité d’être écoutés et entendus, redouble les difficultés.

 

En savoir plus

Éléonore Richard est chercheuse post-doctorante à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à la Drees, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, qui est le service statistique ministériel dans les domaines de la santé et du social.

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