En partenariat avec le Secours catholique-Caritas France et l’École d’Économie de Paris, ATD Quart Monde a mené un projet avec l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’Insee, afin de « mieux mesurer la pauvreté ». Une journée de clôture était organisée le 1er juillet dernier, dans les locaux de l’Insee.
« Avant de chercher à mieux mesurer la pauvreté, il fallait commencer par mieux la connaître. Ce travail passait par un chemin avec les personnes qui la connaissent », rappelle, en introduction de la journée, Denis Rochette, allié d’ATD Quart Monde et co-pilote du projet. C’est ce chemin qu’a pris l’Insee, après avoir assisté en 2019 à la présentation de la recherche internationale sur les dimensions cachées de la pauvreté par le Mouvement et l’Université d’Oxford. Un projet mené avec des personnes en situation de pauvreté a ainsi permis la publication, en 2023, d’un rapport intitulé « Mieux comprendre et mesurer la pauvreté ».
Mais pour l’Insee, ce n’est pas simple de prendre en compte concrètement des dimensions non monétaires de la pauvreté, comme la maltraitance sociale et institutionnelle ou les peurs et souffrances. Une seconde phase du projet, réalisée avec l’École d’Économie de Paris, a alors commencé avec une quinzaine de personnes en situation de pauvreté de Châlons-en-Champagne, Saint-Brieuc, Villeneuve-sur-Lot et Auxerre. L’objectif était de « confronter nos outils avec la réalité de vie des personnes, d’imaginer de nouvelles questions et de voir comment nos questionnaires sont compris », souligne Thomas Lellouch, directeur du projet Statistiques de la grande pauvreté à l’Insee.
Reformuler des questions
Les personnes ayant participé au projet ont ainsi analysé certaines questions de l’enquête statistique sur les ressources et les conditions de vie, menée chaque année auprès de 22 000 ménages.
Elles ont notamment débattu au sujet de cette question : « de manière générale, vous sentez-vous vulnérable vis-à-vis des situations suivantes stabilité de votre logement, de votre travail, de votre couple, aléas et variation de votre revenu mensuel, garde de vos enfants, autre raison ?». Chaque terme a été décortiqué : « ça veut dire quoi ‘vulnérable’ ? Le mot ‘stabilité’ n’est pas clair. Quand on parle de la ‘garde des enfants’, des personnes peuvent penser qu’il s’agit simplement de perdre une nounou ». Après discussion avec les agents de l’Insee, une question plus claire a été proposée : « de manière générale, avez-vous peur de perdre votre logement, votre travail, de vivre une séparation, de perdre la garde de vos enfants ? ».
Une trentaine de questions ont ainsi été analysées. « Lors de la conception des questionnaires, il nous arrive de complexifier pour chercher à préciser telle ou telle notion, alors qu’il serait possible de les reformuler plus simplement », constate Thomas Lellouch en conclusion.
Les possibles évolutions des questionnaires de l’Insee devraient cependant encore prendre un peu de temps. L’enquête sur les conditions de vie des ménages est en effet menée dans plusieurs pays pour permettre des comparaisons. Les questions « font l’objet d’un consensus européen », explique-t-il. Cependant, l’Institut français perçoit désormais ses questionnaires « avec un regard un peu nouveau », précise-t-il. « Et puis, nous avons réussi à mettre un peu d’humain derrière les chiffres qui restent vagues. Cela donne de l’espoir », conclut l’une des participantes.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de septembre-octobre 2024.
Photo : Journée de travail à l’Insee le 1er juillet. © ATD Quart Monde