Chargé d’études et de recherches à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, Laurent Lardeux analyse les évolutions de l’engagement des jeunes.
Comment ont évolué les formes d’engagement des jeunes ces dernières années ?
De nombreux travaux en sciences sociales ont montré un changement au cours des années 1980-1990 : on est passé d’un engagement respectueux à l’égard des organisations politiques traditionnelles et des associations, inscrit sur le long terme, avec un fort investissement pour la cause à défendre, à un engagement plus critique, qui passe davantage par des collectifs, moins idéologisé, voire non politisé, plus pragmatique et plus volatile aussi.
Cette lecture reste quand même assez réductrice : on ne s’engage pas dans une ZAD (Zone à défendre) ou dans des actions de désobéissance civile, qui peuvent avoir des conséquences sur son intégrité physique et des risques judiciaires, sans un haut degré d’intensité dans l’engagement.
L’élément déclencheur de l’engagement est aujourd’hui souvent un événement mobilisateur suscitant une émotion. Les anciennes générations se mobilisaient davantage sur les questions du pouvoir d’achat, de l’emploi, qui relevaient plutôt des valeurs matérialistes. On est passé à des valeurs davantage humanistes, altruistes, tournées vers la défense des droits : les droits des minorités, la lutte contre les discriminations…
Les engagements des jeunes sont-ils différents selon leurs origines sociales ?
De façon générale et encore plus pour les jeunes, il y a de profondes inégalités d’accès à l’engagement. Cela est lié au sentiment de légitimité à intervenir dans l’espace public. L’écart s’est même accru entre la jeunesse étudiante et la jeunesse issue des milieux populaires, qui avaient tendance, jusqu’aux années 80, à se politiser et à s’engager essentiellement par les syndicats, les collectifs de travailleurs… Aujourd’hui, cette même jeunesse populaire, quand elle a du travail, a essentiellement un travail précaire. La socialisation militante qui était liée au monde du travail a disparu. Le rapport à l’engagement est devenu plus individualisé.
Comment les associations s’adaptent-elles à ces évolutions ?
L’espace associatif reste assez clivé entre des structures qui fonctionnent encore sur des schémas d’organisation assez verticaux et hiérarchisés, et des collectifs ou mouvements qui sont plus horizontaux. L’organisation des collectifs plus récents ne dépend pas d’une personne ou d’un groupe de quelques individus, mais de l’ensemble de ses membres qui ont tous un rôle à jouer. Les personnes engagées sont beaucoup plus interchangeables. Cela correspond davantage au cycle de vie particulier des jeunes, qui doivent parfois partir pour leurs études, commencer un premier emploi… Il est alors difficile de pérenniser son engagement. Les collectifs permettent ces fluctuations dans l’engagement, et séduisent donc plus les jeunes.
Ce dossier est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de juin 2025.