Face à la maltraitance institutionnelle que vivent les personnes en situation de pauvreté, la délégation nationale d’ATD Quart Monde souhaite aujourd’hui « unir les indignations et les analyses » de chacun et chacune pour aboutir à des changements au niveau national, mais aussi localement.
Il y a d’abord un cri. Celui des familles en situation de pauvreté « qui n’en peuvent plus des relations humiliantes avec les institutions censées les aider ». Il y a aussi le travail mené par ATD Quart Monde et l’Université d’Oxford sur les dimensions de la pauvreté, qui a montré que la question de la maltraitance institutionnelle s’exprime différemment d’un pays à l’autre, mais est bien présente, partout. Enfin, il y a les échanges, au cours de l’année 2022, dans les Universités populaires Quart Monde pour comprendre les enjeux de cette maltraitance et ce qu’elle provoque « en termes de peurs, de souffrances, mais aussi en termes de combats, de résistance ». Sur la base de tous ces éléments, la délégation nationale d’ATD Quart Monde, composée d’Anne-Marie De Pasquale, Benoît Reboul-Salze et Geoffrey Renimel, et la présidente du Mouvement, Marie-Aleth Grard, ont choisi de faire du combat contre la maltraitance institutionnelle une priorité nationale.
Après près d’un an de travail, le plaidoyer « Stop à la maltraitance institutionnelle », présenté le 19 septembre à des institutions, des personnalités politiques et des journalistes, marque le début d’une campagne de mobilisation de neuf mois. « Il s’agit de démonter les mécanismes de la maltraitance institutionnelle, d’aboutir à des changements pour tout le monde au niveau national, mais aussi localement », explique Benoît Reboul-Salze.
L’objectif n’est pas d’attaquer les professionnels, eux-mêmes souvent en souffrance, ou des institutions en particulier, mais de montrer que c’est un « phénomène systémique ». Ce travail invite à « unir les indignations et les analyses des citoyennes et citoyens de tous horizons, des défenseurs des droits humains, des professionnelles et professionnels, des responsables d’institutions et des responsables politiques, pour corriger ce qui entrave l’accès effectif de toutes et tous à l’ensemble de leurs droits, respecter la dignité des plus pauvres, dans une dynamique dont bénéficiera aussi l’ensemble des citoyennes et citoyens », souligne Anne-Marie De Pasquale.
Des droits effectifs pour tout le monde
Seize causes et mécanismes favorisant la maltraitance institutionnelle ont été identifiés, comme les préjugés et les idées fausses sur les personnes en situation de pauvreté, le manque de moyens humains et financiers pour la mise en œuvre des politiques publiques, la complexité des démarches, ou encore la numérisation excessive.
Plusieurs propositions sont avancées pour faire cesser ce phénomène qui a des conséquences négatives sur la vie des plus pauvres. Certaines ne dépendent pas nécessairement de moyens financiers importants et pourraient être mises en place à court terme. Ainsi, « augmenter la transparence des décisions prises par les institutions, pour les rendre plus compréhensibles », « agir sur la dématérialisation, avec un accueil humain dans les services publics qui n’impose pas le 100 % numérique » ou encore « permettre d’être accompagné à un rendez-vous par la personne de son choix », pourraient constituer des améliorations dans un délai rapide. « On ne cherche pas à avoir des droits pour les personnes pauvres. On cherche à avoir des droits effectifs pour tout le monde, en s’appuyant sur le vécu et la participation des personnes très pauvres », rappelle Benoît Reboul-Salze.
Un revenu minimum insaisissable
L’une des propositions phares est par ailleurs l’accès à des moyens convenables d’existence. « Beaucoup de maltraitances institutionnelles pourraient être évitées si les gens avaient un minimum décent pour vivre. C’est une réponse d’ampleur, qui pourrait être vraiment efficace pour les personnes et qui permettrait aux professionnels de se dédier à leur mission première qui est d’accompagner les personnes », détaille Geoffrey Renimel. Cela passe par la mise en place d’un « revenu minimum insaisissable », qui ne pourrait être coupé. Son montant pourrait être de 965 euros par mois pour une personne seule, soit 50 % du revenu médian, contre 635 euros actuellement pour le RSA. Mais ce chiffre doit être « évalué précisément avec des personnes en situation de pauvreté », précise-t-il.
ATD Quart Monde défendra cette mesure dans les différentes institutions, au Parlement et auprès du gouvernement. « Permettre à tout le monde d’avoir des moyens convenables d’existence est écrit dans la Constitution de l’État français, donc se donner les moyens de respecter la Constitution est un enjeu national », affirme Marie-Aleth Grard, en précisant cependant que « la question de l’accès à l’ensemble des droits ne se règlent pas uniquement en permettant l’accès à des moyens convenables d’existence ».
Les mesures proposées doivent désormais faire l’objet de discussions et d’analyse, afin de « repérer, inventorier et témoigner de tout ce qui se passe de difficile, mais aussi de bien, car il y a de nombreuses initiatives très intéressantes qui permettent de lutter contre la maltraitance institutionnelle et qui pourraient être généralisables », affirme Anne-Marie De Pasquale.
Tous trois estiment que « cette campagne est une chance pour aller à la rencontre de celles et ceux qui vivent la pauvreté comme de celles et ceux qui ne la vivent pas, pour se dire qu’ensemble, on peut agir ».
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de septembre-octobre 2024.