Interrogée sur France Inter le 18 mars, la présidente d’ATD Quart Monde, Claire Hédon, a salué le “très grand élan de solidarité qui s’est mis en place” dès le début de la propagation du coronavirus sur le territoire français. Elle a également pointé les inquiétudes du Mouvement concernant l’impact de l’épidémie et du confinement sur les personnes les plus pauvres.
“Comment ne pas rajouter un confinement social au confinement physique ?” Telle était la question posée mercredi 18 mars dans l’émission Le téléphone sonne, sur France Inter, dans laquelle intervenait la présidente d’ATD Quart Monde aux côtés du secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal.
Cette interrogation se pose en effet particulièrement “pour tout ceux qui sont dans des appartements insalubres, qui vivent dans une promiscuité qui est vectrice de l’épidémie. Ce sont souvent des personnes qui sont en mauvaise santé, parce que la pauvreté attaque la santé. Tout cela fait que les personnes en situation de pauvreté vont être les premières victimes et, pour elles, le confinement va être encore plus difficile”, a souligné Claire Hédon.
“Beaucoup de peurs”
La crise actuelle exacerbe ainsi “la question du manque de logements décents”, a-t-elle ajouté. “On manque de places d’hébergement, on manque de logement. Il faut espérer qu’une crise comme celle-là va aussi nous permettre de nous recentrer sur les choses les plus importantes. Cet accès au logement est indispensable pour que, justement, quand il y a des crises, on puisse faire face.”
Après avoir reçu plusieurs témoignages de membres du Mouvement ces derniers jours, la présidente d’ATD Quart Monde a constaté “beaucoup de peurs” chez les personnes en situation de pauvreté. “Il y a la peur d’être touchées par la maladie, la peur de ce qu’il se passe, la peur d’être contrôlées si elles sortent, la peur de ne pas réussir à aider les enfants, la peur que son enfant, de retour à l’école, soit encore plus en difficulté, la peur que cela ait un impact sur toute sa scolarité… Il faut entendre cette crainte et cette envie de bien faire.” Elle a ainsi cité le témoignage d’une “jeune maman qui est en CDD, qui n’ose prendre l’arrêt de travail proposé pour garde d’enfant, parce qu’elle a peur de perdre son emploi à terme. Il faut regarder ce qu’on peut faire pour ces personnes qui sont en intérim ou en CDD”.
L’attestation de déplacement dérogatoire, désormais obligatoire pour sortir, peut ainsi poser problème “pour ceux qui ont d’immenses difficultés de lecture et d’écriture”. Alors que plus de 4000 contraventions pour manque d’attestation avaient été enregistrées par le ministère de l’Intérieur dès le 18 mars au soir, “quelle tolérance va-t-il y avoir pour ces personnes qui vivent dans des appartements trop petits avec des enfants ?” s’est interrogé Claire Hédon.
Des mesures pour les plus précaires
ATD Quart Monde préconise en outre de “suspendre toutes les demandes de contrôle, toutes les expulsions” pour les personnes qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, comme cela a été fait avec le report de la trêve hivernale. Pour sa présidente, les minimas sociaux doivent notamment être “reconduits automatiquement, même un mois après l’arrêt du confinement. Il faut donner des délais décents pour des personnes qui sont déjà en très grande difficulté”. Le gouvernement a annoncé le 19 mars que les personnes au chômage arrivant en fin de droits recevraient fin avril la même indemnité qu’au mois de mars, ainsi que le report de 5 mois des nouvelles mesures concernant l’assurance chômage initialement prévues au 1er avril.
Claire Hédon a également souligné la nécessité d’une “aide pour les parents dont les enfants allaient à la cantine et qui les ont maintenant à déjeuner tous les jours”. Et d’ajouter : “On met des milliards d’euros, à juste titre, pour sauver des entreprises et donc des emplois, faisons la même chose pour les plus précaires.”
Élan de solidarité
La présidente d’ATD Quart Monde a par ailleurs pointé “l’élan de solidarité incroyable” constaté depuis le début de la pandémie. “La solidarité de proximité est absolument indispensable que ce soit avec la personne sans-domicile qui n’est pas loin de chez soi, avec la personne âgée qui est seule….” Elle a notamment cité l’exemple d’une “enseignante dans une zone défavorisée, qui a bien conscience que les parents des enfants avec qui elle travaille n’ont pas d’ordinateur et d’accès à Internet. En revanche, ils ont tous un téléphone, donc elle envoie le matin l’exercice à faire dans la journée, l’enfant les fait, il photographie ce qu’il fait et il l’envoie à l’institutrice qui va relire et corriger. Elle a ainsi détourné le problème d’Internet. Il va falloir de l’ingéniosité”.
ATD Quart Monde a par ailleurs demandé, avec d’autres associations et syndicats d’enseignants, “que les médias de services publics puissent essayer de faire de l’enseignement à distance, parce que les radios et les télés sont accessibles et peuvent être un très bon vecteur pour continuer à faire de l’enseignement”. La chaîne de télévision France 4 a d’ores et déjà annoncé qu’elle diffuserait, à partir du 23 mars, des cours dispensés par des professeurs de l’Éducation nationale.
Suite aux différentes mesures déjà annoncées pour faire face à cette crise, “on espère qu’à plus long terme on pourra évoluer vers plus de solidarité et de justice dans notre pays”, a conclu Claire Hédon.