Inès Chebourou est active dans l’équipe Tapori d’ATD Quart Monde à Bordeaux, un engagement qui lui apporte autant que ce qu’elle apporte aux enfants.
« Même si je n’arrive pas toujours à mettre les mots sur l’impact que mon engagement peut avoir, je sens que cela fait bouger des choses en moi », affirme Inès Chebourou. Il y a seulement quelques mois, elle a rejoint l’équipe Tapori d’ATD Quart Monde à Bordeaux et elle est parfois surprise de voir que cette expérience « fait écho » à des questions qui la traversaient aussi enfant.
Ce qui l’a d’abord marquée, « c’est l’humanité des personnes rencontrées ». Lors de la première réunion à laquelle elle participe, fin 2024, elle apprécie « l’interconnexion entre les militants Quart Monde et les alliés, la volonté de dialogue, le dépassement des jugements et une cohérence entre le discours et la mise en pratique ». Elle découvre Tapori, la dynamique d’ATD Quart Monde avec les enfants. Passionnée par la psychologie et la question de l’interculturalité, notamment chez les enfants, Inès Chebourou s’oriente rapidement vers cette action du Mouvement, qui réunit partout dans le monde des enfants de cultures et de milieux sociaux différents, agissant dans leur environnement pour créer un monde plus juste. À 26 ans, elle a déjà eu plusieurs expériences de bénévolat, sans toujours y trouver l’élan qu’elle cherchait. Elle souhaite cette fois s’investir autrement, avec davantage de sens et de clarté. Elle se demande alors : « est-ce que j’ai quelque chose à offrir ici ? Et qu’est-ce que cet engagement peut m’apprendre ? »
« Faire bouger les idées reçues »
Au sein de Tapori, « tout s’est fait naturellement », constate-t-elle. Chaque mois, pendant une journée, une vingtaine d’enfants de 4 à 14 ans se retrouvent autour d’une thématique présentée dans la « Lettre Tapori » envoyée par l’équipe Tapori international. « Nous leur lisons par exemple la lettre d’une petite fille qui parle de sa vie difficile. Puis, c’est à eux de nous dire ce qu’ils en ont compris, s’ils s’identifient… Les plus petits font ensuite un dessin pour illustrer ce que représente ce récit pour eux, et les plus grands réfléchissent et débattent. Nous les laissons s’exprimer, sans intervenir, sans influencer », détaille Inès Chebourou. Ces journées permettent « une rencontre entre différentes classes sociales et peuvent briser les a priori des enfants les uns sur les autres. Le but est aussi de les faire sortir de leur quartier et de se mélanger avec d’autres enfants », constate-t-elle.
Lorsque l’équipe leur demande ce que leur apportent ces rencontres, des enfants répondent que « c’est l’occasion de retrouver les copains ou de bien manger ». Les filles les plus âgées affirment quant à elles qu’elles viennent « pour changer le monde, faire bouger les idées reçues. Elles ont conscience que, même si elles ne vont pas tout révolutionner du jour au lendemain, elles peuvent, par des petites actions, casser un peu les jugements et améliorer leur quotidien », rapporte Inès Chebourou. Face à leur détermination, elle reste admirative : « en tant qu’adulte, on perd souvent cette innocence, on se dit que nos actions individuelles ne feront pas la différence. Mais si chacun pense ça, alors on passe à côté de ce qu’on pourrait construire ensemble. »
Se remettre en question
Dès les premières séances, elle obtient des réponses à ses questions initiales. « Les filles de 13 ou 14 ans se confient peut-être plus facilement à moi en raison de mon âge. Je suis par ailleurs d’origine maghrébine, donc je viens avec ma double culture, mes propres questions autour de l’intégration et cela me donne des clés de compréhension pour parfois faire un pont entre les enfants et les membres de l’équipe », explique-t-elle. Elle est surtout intarissable sur la manière dont cet engagement « l’enrichit personnellement ». « Quand je donne, je reçois aussi. Que ce soit des enfants ou des membres d’ATD Quart Monde, j’apprends vraiment tout le temps. On communique énormément et cela permet de se remettre en question, d’être plus humble », explique-t-elle.
En quelques mois, elle a par exemple appris à revenir sur certains « jugements à l’emporte-pièce » qu’il lui arrivait d’avoir, sans vraiment y penser. « Selon notre éducation ou l’environnement dans lequel on a grandi, on peut parfois penser que les solutions sont simples ; on se demande pourquoi les parents ne font pas telle chose pour aider leurs enfants ; on peut parfois être agacé de ne pas avoir de retour des familles, alors qu’il y a énormément d’investissement de la part de l’équipe ; on est dépassé par des enfants qui ont seulement envie de se défouler », détaille-t-elle. Mais, peu à peu, les liens avec les familles se tissent. « Quand on creuse, on a connaissance des combats auxquels elles sont confrontées au quotidien. Il est question d’expulsions du logement, parfois de guerres dans les pays d’où elles viennent. Pour les enfants, c’est aussi un espace sécurisé où ils peuvent lâcher un peu de vigilance. Alors, on se dit qu’il faut dédramatiser et apprendre à écouter », souligne-t-elle.
Au sein d’ATD Quart Monde, elle rencontre des personnes qui lui donnent « le désir d’avancer, même quand on se heurte à des obstacles. Les petits pas réalisés chaque jour permettent d’aller loin, si on ne cesse d’y croire ».
Pour elle, s’engager devrait presque aller de soi. « On fait tous partie de cette société. Alors, pourquoi ne pas essayer de la rendre un peu plus juste, chacun à notre manière ? »