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Ravine l’Espérance
A travers un récit haletant, où les voix qui s’entremêlent nous guident dans un Port au Prince bouillonnant, au fil de la semaine qui précède le séisme de janvier 2010, ce livre rend hommage aux Haïtiens, constamment happés par l’urgence, cherchant la vie avec une énergie insubmersible, comme des maîtres de résistance.
Description
Cette semaine-là à Port-au-Prince
Bien sûr, il y a ce maudit 12 janvier 2010 où la terre a tremblé en Haïti et où tout a basculé : Port-au-Prince en ruines, ses habitants tâtonnant au milieu des décombres à la recherche des survivants.
Mais ce n’est pas à la catastrophe que les auteurs ont voulu dédier ce livre. C’est au courage du peuple d’Haïti qui, déjà bien avant le séisme, luttait au quotidien pour vivre dignement. Comme tous ceux de Nan Koton, le bidonville de Ravine l’Espérance accroché au flanc d’une des collines de la capitale. Comme Mickenson, Célom, Vinila, Fati, et tous les autres…
Leurs voix s’entremêlent, nous font vibrer et nous tiennent en haleine dans ce récit de la semaine qui a précédé le tremblement de terre, cette semaine-là à Port-au-Prince…
Les auteurs : sept compagnons d’engagement au sein d’ATD Quart Monde, sept complices dans l’écriture qui n’ont pas parlé « d’une seule voix », mais nous donnent à entendre les bribes d’une histoire unique, celle d’un peuple debout faisant face à l’impossible.
Jean-Michel Defromont est également l’auteur de J’ai cherché si c’était vrai, Des pailles dans le sable, L’épine sur les roses, Fati, La boîte à musique et Tout droit jusqu’au bout du monde.
Extrait
Accoudée à la fenêtre de notre galerie, je me contentais d’enfourner ma pipe, comme si ça pouvait m’aider à savoir comment trouver ma dose du jour. L’odeur du tabac refroidi m’a agacée un peu plus, c’est tout. Même s’ils se perdaient, c’est pas par ici qu’ils viendraient s’échouer, les Rois mages. Cette année, la fête de l’Épiphanie se passerait sans nous.
Depuis la pièce derrière, mon homme a réclamé son café.
– Pas de café ce matin, j’ai dit. On n’a même plus de petit bois sec.
– Qu’est-ce que tu racontes là, Ti-Chérie ? Je suis revenu hier soir avec des bouts de bois, oui, et en passant sur le Bicentenaire près de mon camarade qui vend le charbon, il m’a donné quelques morceaux. Ça devrait nous faire le café et même plus !Alors je suis allée m’asseoir sur la vieille batterie dans le coin de la galerie. J’ai placé le petit bois entre les pierres. Le feu crépitait déjà quand Mondésir est venu me rejoindre, frottant sa barbe rêche, satisfait. On avait de quoi se faire un café, mon homme était content pour la journée.
Jésula apparut à son tour, longue sur pattes, ses petites nattes dressées dans tous les sens, ses doigts les tortillant l’une après l’autre. Elle n’a rien réclamé. Quelques minutes après, un café brûlant nous a fait transpirer encore plus. Dès le matin, il faisait déjà chaud derrière ces feuilles de tôle. Depuis les tirs et tout ce qui s’était passé par ici, elles nous protégeaient des regards, ces tôles, mais pas des balles perdues. Elles n’empêchaient pas non plus les brebis égarées, en mal de protection, de débouler chez nous sans prévenir. Grâce à Dieu, ces derniers mois, le quartier avait été calme.
Presse/Vidéos
“Ravine l’espérance est un grand livre qui vous prend par surprise. On l’ouvre en pensant que c’est un document intéressant, « à lire », et puis voila que c’est un ouragan qui vous emporte et vous fait partager la vie de personnages plus intéressants les uns que les autres. Complexes, singuliers, étonnants, attachants, on les suit et on se retrouve à vivre la vie flamboyante de misère des habitants de la Ravine. On prend la mesure de la complexité de la vie haïtienne, de l’histoire de cette île martyre, de ce peuple merveilleux. Ensemble ils créent une polyphonie tragique mais envoutante qui nous prépare à vivre avec eux le tremblement de terre, moment de cristallisation qui va emporter leurs vies dans un mouvement irréversible. Puis vient l’après, la reconstruction des uns après la disparition des autres n’est pas moins surprenante. Bien sur il y a aussi la
vilenie, la violence, on n’est pas dans l’angélisme, loin de là !
Comme ils chutent, comme ils se relèvent, comme leur trace parle d’eux, tout cela est magnifiquement écrit, leurs voix se mêlent pour tisser une fresque que l’on quitte à regret. Ce qu’ils ont en commun ? La force de refuser de renoncer à leur humanité. Ils sont pauvres, malades, malheureux, mais ils ne renoncent pas à leur grandeur, à leur humour, à leur capacité d’aimer, de penser, de créer. Ils revendiquent la joie au milieu du désastre quotidien. Ils inventent sans cesse un art de vivre cette vie de pauvres comme une vraie grande vie d’humain digne de ce nom. De ce récit envoûtant on sort abasourdi et émerveillé d’avoir pu partager tant par le simple pouvoir de l’écriture.”
Catherine Dolto – 15 février 2018
Présentation du livre à l’Organisation Internationale de la Francophonie
> Voir aussi dans la Revue Quart Monde n° 245 (p. 34-37) : “La force d’un peuple”