La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
Le Quatrième Mur
David Oelhoffen. Fiction. France. Adapté du roman de Sorj Chalandon. 15 janvier
Beyrouth, 1982. Par amitié pour un vieil ami, Georges part mettre en scène Antigone d’Anouilh. La pièce sera jouée par des acteurs des différentes communautés religieuses et politiques, tous volontaires, dans les décombres d’un théâtre à moitié détruit (très beaux décors réels). Le conflit s’aggrave dramatiquement. L’idéalisme du dramaturge se heurte à une réalité complexe qui le dépasse. Le Quatrième mur symbolique sépare les acteurs des spectateurs, la scène et le réel. Nous avons les yeux de Georges (Laurent Lafitte) en alerte, d’abord avec un certain détachement, puis l’effroi, puis l’implication. Tous les personnages servent chaque scène avec force. La plongée est sensorielle (bruits, poussière, musique, longs silences). L’art a-t-il un pouvoir de transformation ?
Château Rouge
Hélène Milano. Documentaire. France. 22 janvier.
Une plongée dans le collège Clémenceau, quartier de la Goutte d’Or à Paris, au cœur de réunions élèves-parents-proviseur et en classe. Des jeunes de 3ème sommés de décider de leur avenir, de grandir vite, entre confiance et renoncement aux études. « Grandir, ça nous fait nostalgiques », disent-ils. Un psychologue leur est parfois proposé. Des situations personnelles difficiles affleurent, elles influent évidemment sur l’attention en classe. « La carte est dans vos mains » : l’est-elle vraiment ?
Dreamland
Théophile Moreau, Paul Gourdon, Julie Marchal. Documentaire. France. VOST. 15 janvier.
La paix dans le monde, avoir une maison, créer une petite boutique, lancer un festival de musique…Un survol un peu superficiel de quelques jeunes du monde entier, aux situations très différentes.
Bird
Andréa Arnold. Fiction. Grande-Bretagne. VOST. 1er janvier. Coup de cœur
Beiley, adolescente, vit dans un squat, élevée par un père immature, sans travail. Dans ses errances, yeux levés vers les oiseaux ou attentifs à la nature, elle rencontre Bird, un jeune homme aérien et doux, à qui parfois des ailes d’oiseau poussent. Une évocation sensible et poétique d’êtres à la marge, dans la misère, parfois dans la violence. A la fois réaliste et à la lisière du fantastique, un film très original, doté d’acteurs non professionnels (sauf deux), très convaincants, notamment la jeune fille. Parfois, des représentations « clichés » de la pauvreté affleurent (irresponsabilité, saleté, drogue…) mais les protagonistes ne sont pas monolithiques. La bande musicale tonique repousse loin tout misérabilisme ou angélisme. L’espoir plane. Attention quelques scènes brutales.
Jouer avec le feu
Delphine et Muriel Coulin. Fiction. France. 22 janvier. Adapté du roman « Ce qu’il faut de nuit », de Laurent Petitmangin.
Pierre, veuf, élève seul ses deux fils. Technicien dépanneur de machines, souvent en travail de nuit, il reste très attentif et vigilant. Louis, le cadet, réussit ses études. Fus, l’aîné, mal dans sa peau, dérive vers des groupes d’extrême-droite. Son père fera tout pour comprendre, pour l’aider pour l’empêcher. Quelques longueurs. C’est l’histoire dramatique des efforts désespérés d’un père aimant pour éviter le pire, pour ne pas couper le lien, c’est la solitude absolue d’un homme de bonne volonté, aimant, éclairé, concerné, s’interrogeant sur sa propre responsabilité. En vain.
Vincent Lindon. Prix d’interprétation Mostra de Venise 2024.