Aden et Charles sont en service civique à ATD Quart Monde et ont pour mission de sensibiliser les collégiens et les lycéens à la lutte contre la grande pauvreté.
“Moi, un jour, j’ai vu une dame vivant dans la rue, avec son bébé. Je lui ai donné des bonbons, parce que je n’avais rien d’autre, mais je crois que ce n’était pas ce dont elle avait besoin. Ça m’a rendu triste.” Assis sagement dans leur classe, quinze élèves de 6e du collège Sainte-Thérèse, à Ozoir-la-Ferrière, en Seine-et-Marne, ont été invités par Aden et Charles à réfléchir à leur perception de la pauvreté.
“On voit que le sujet les touche. Certains ont des exemples à citer dans leur entourage, surtout depuis la crise du Covid. Nous profitons de cette heure pour libérer la parole et leur permettre d’échanger sur cette question”, constate Sylvie Vaguener, la référente pastorale qui a contacté ATD Quart Monde pour que le Mouvement intervienne une heure dans chaque classe de 6e et 5e de ce collège, fin 2021.
Un pas en avant
Pour lancer la discussion, Aden et Charles proposent d’abord aux enfants de regarder la vidéo “Joseph Wresinski revisité“, de Vincent Verzat. Après ce visionnage, beaucoup lèvent la main pour dire ce qu’ils en retiennent : l’objectif du Mouvement est de “permettre aux gens de sortir de leur misère, de ne pas avoir peur de s’exprimer et de reprendre confiance en eux”.
Puis, tout le monde se rassemble au fond de la pièce pour jouer au “Pas en avant“. Chaque enfant se met dans la peau du personnage qui lui est attribué au hasard et qu’il doit garder secret : un enfant orphelin, un homme vivant dans la rue, une directrice de grande entreprise… À chaque situation énoncée ensuite par Aden et Charles, ils doivent avancer ou non, en fonction de ce que peut faire, selon eux, leur personnage. Une élève soupire quand ses camarades avancent en entendant la phrase “je peux partir en vacances au moins une fois par an”. Un autre hésite sur la conduite à tenir lorsqu’il entend “je vais chez le docteur chaque fois que j’en ai besoin”.
À la fin, en regardant qui a avancé ou non, la discussion permet d’aborder les inégalités et les pistes pour agir. “On a 10 km d’écart juste parce qu’eux ils ont de l’argent et pas nous, alors qu’on est tous des êtres humains, c’est pas juste”, se désole un enfant. “Moi, ça m’a fait plaisir de ne pas rester bloquée. J’ai réalisé que j’avais de la chance d’avoir plus de moyens”, explique une autre.
Un regard biaisé
Depuis le début de leur service civique, en septembre, Charles et Aden ont été marqués par la maturité de certains élèves face à ces questions. Ils ont aussi été choqués par quelques remarques de lycéens. “Lors d’un ciné-débat sur les idées fausses, un jeune a dit que certaines personnes ne devraient pas avoir le droit de faire des enfants, parce qu’elles n’étaient pas en mesure de les éduquer. Il y a encore beaucoup de préjugés, un regard biaisé sur la pauvreté”, raconte Aden.
Mais ils savent aussi que leurs interventions permettent ensuite aux élèves d’en reparler entre eux, et avec leur entourage, et peuvent faire évoluer ces regards. “Un jour, un jeune est venu nous voir à la fin pour nous remercier et nous dire que ça lui avait donné envie de s’engager. On a semé une petite graine, qui pourra peut-être germer ensuite”, espère Charles.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de février 2022.
Photo : Le jeu du “Pas en avant” au collège Saint-Térèse, à Ozoir-la-Ferrière, le 9 décembre 2021. © JCR, ATD Quart Monde