Quelles sont les principales tendances mises en avant dans le rapport de l’Insee, publié le 15 janvier 2065 ?
Pour la quatrième année consécutive, ce rapport prend en compte une partie des indicateurs de pauvreté établis après une recherche participative menée par ATD Quart Monde depuis de nombreuses années.
Diminution des maltraitances institutionnelles et sociales
Mieux mesurée depuis 2040, la maltraitance institutionnelle a connu un net recul cette année, pour la première fois. Vingt-cinq ans ont donc été nécessaires pour que la décision politique de prendre en compte cette dimension ait une réelle influence dans les administrations. Lors de sa mise en place, cet indicateur avait été très mal perçu par certains professionnels, qui s’étaient sentis attaqués. Mais l’incapacité de certaines institutions à répondre de manière appropriée et respectueuse aux besoins et demandes des personnes en situation de pauvreté était bien une réalité.
Chaque acte ou discours ressenti comme humiliant ou excluant est désormais davantage pris en compte et la société dans son ensemble change peu à peu de regard et de comportement vis-à-vis des personnes les plus précaires. Les attitudes discriminatoires sont aujourd’hui punies par la loi et plus de 200 sanctions disciplinaires, mais aussi pénales, contre les personnes reconnues coupables de discrimination pour cause de précarité sociale ont été prononcées l’année dernière.
Les personnes en situation de pauvreté sont ainsi mieux accueillies et accompagnées dans les institutions publiques, ce qui a engendré une diminution du nombre de non-recours. « Je n’osais plus aller à la mairie, car je me sentais jugée dès que j’entrais. Aujourd’hui, de nombreux professionnels ont pris conscience de notre réalité grâce au développement, entre autre, des co-formations, en Croisement des savoirs et des pratiques, avec des personnes en situation de précarité. Chacun a pu faire évoluer son regard sur l’autre et, maintenant, j’ose aller demander l’application de mes droits et je suis accueillie comme tout le monde”, témoigne ainsi Flora, une militante Quart Monde.
Au-delà des institutions, c’est le regard de la société dans son ensemble qui a évolué. « Plus personne ne se définit aujourd’hui selon ce qu’il possède. Même si je n’ai rien, je suis quelqu’un, dans les yeux de la plupart des gens que je rencontre. Quand j’étais enfant dans les années 2020, je me souviens que mes parents étaient jugés devant l’école par les autres parents, parce qu’ils n’avaient pas de beaux vêtements. Ça nous excluait. Cela a changé », constate Timéo, un autre militant Quart Monde.
Un isolement toujours important
Le Rapport sur la pauvreté 2065 pointe une nette augmentation de la dimension « isolement ». Alors que la maltraitance sociale et institutionnelle a tendance à diminuer, les conditions climatiques ont, ces dernières années, renforcé l’isolement des personnes en situation de précarité dans des quartiers exposés aux risques, comme la montée des eaux dans les bidonvilles exposés, ou en habitat social n’ayant pas encore bénéficié des programmes de rénovation énergétique.
Isolées physiquement et géographiquement, les personnes en situation de précarité soulignent les difficultés rencontrées pour accéder à un habitat digne et durable, donc accéder aux mêmes droits que tous, sans se sentir mis à distance par la société.
Des compétences acquises mieux reconnues
Les savoirs et les compétences que les personnes en situation de pauvreté ont développés pour survivre sont davantage pris en compte ces dernières années. Le développement de l’accès à des formations diplômantes pour les personnes en situation de précarité ayant l’expérience du Croisement des savoirs et des pratiques ou d’engagements dans des collectifs du Pouvoir de Vivre ou au sein d’Universités populaires Quart Monde, a notamment permis de favoriser l’emploi de ces personnes dans de nombreuses institutions, collectivités et universités où elles sont « médiatrices de connaissances ».
Cet article est extrait du numéro 500 du Journal d’ATD Quart Monde publié en février 2020. Il s’agit d’un numéro spécial se projetant dans 500 numéros, soit… en 2065 !