La proposition de loi relative à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée doit être définitivement adoptée à l’Assemblée nationale dans les prochains jours.
Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée détaille le contenu de ce texte et ses attentes pour que l’élargissement de l’expérimentation se déroule dans de bonnes conditions.
Le Sénat a adopté le 4 novembre la proposition de loi qui doit désormais être votée par l’Assemblée nationale dans les prochains jours. Quelles sont les avancées contenues dans ce texte pour l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée ?
La loi reprend l’essentiel des éléments que nous avions proposés suite à notre travail de capitalisation depuis 2017, qui mettait en avant les éléments à améliorer dans l’expérimentation. Ainsi, le texte prévoit que les nouveaux projets habilités auront une période de trois ans pour se lancer. C’est important, car il faut que les territoires commencent quand ils sont prêts, l’idée n’est pas de se précipiter, donc il y aura bien plusieurs vagues de territoires qui pourront se lancer.
Nous sommes également satisfaits, car il n’y aura pas 30 nouveaux territoires, comme cela était prévu dans le texte initial, mais au minimum 50, qui viendront s’ajouter aux dix premiers. C’est primordial, car plus d’une centaine se préparent aujourd’hui. Une disposition permet en outre la possibilité d’élargir ensuite par décret le nombre de territoires au-delà de 60 si cela était nécessaire. Cela donne une soupape.
Nous avons aussi obtenu la réintroduction dans le texte du caractère obligatoire du concours financier des départements. Cela n’a pas été facile, car il y avait des résistances chez les parlementaires.
Il y avait également, au départ, la volonté de mettre l’expérimentation sous tutelle de l’État et du Service public de l’emploi (SPE). Ce n’est finalement pas le cas et ce n’est pas rien. Il n’y aura donc pas d’avis préalable du SPE sur les personnes embauchées, mais une proposition du comité local. C’était tout à fait essentiel car beaucoup de personnes ne sont pas dans les viseurs du SPE.
Quels sont les points que vous défendiez qui n’ont pas été approuvés par les parlementaires ?
Nous n’avons pas réussi à obtenir une disposition assurant aux comités locaux pour l’emploi une partie de leurs financements. Pourtant, ce qui est innovant dans ce projet, c’est une gouvernance locale et donc tout le travail fait avec les acteurs locaux en amont puis pendant l’expérimentation. C’est dommage, car cela aurait vraiment aidé pour la suite.
Nous sommes également déçus par l’évaluation prévue, qui est avant tout quantitative et faite en comparaison avec l’insertion. Nous ne sommes pas en concurrence avec l’insertion, mais complémentaires et cela ne sert à rien de nous comparer en permanence. Il faut plutôt montrer en quoi Territoires zéro chômeur de longue durée est innovant et faire des études qualitatives et non seulement quantitatives. Mais nous allons prendre des initiatives pour créer une forme de laboratoire de recherches, en associant des personnes privées durablement d’emploi. Cela nous permettra de publier nous-mêmes des éléments qui ne sortiront pas dans les évaluations institutionnelles, sur ce que cette expérimentation apporte aux territoires et aux personnes.
Le texte rend par ailleurs obligatoire l’accord de la présidence du conseil départemental pour qu’un territoire se porte candidat. Est-ce que cela peut être un frein ?
Je ne pense pas que cela soit bloquant. Je ne vois pas un conseil départemental s’opposer à un projet qui vise à éradiquer le chômage de longue durée. Le conseil départemental doit contribuer au financement, donc c’est normal qu’il participe à la décision. Le projet ne peut fonctionner que s’il y a un consensus local, donc si cet accord peut aider à la convergence des forces au niveau du territoire, c’est une bonne chose.
Le montant de la Contribution au développement de l’emploi, qui est la principale subvention versée aux entreprises à but d’emploi, doit être fixé par décret. Quelles sont vos attentes par rapport à ce montant ?
Il est important de prendre en compte le montant nécessaire pour financer l’emploi et les investissements. Cela a été le cas jusqu’à présent avec la Contribution au développement de l’emploi (CDE) et les fonds d’amorçage qui viennent du ministère du Travail. La souplesse est prévue par le texte, donc il sera possible d’avoir une CDE autour de 18 000 euros par exemple et des fonds nécessaires seront affectés en plus, si besoin, pour réaliser l’activité. Il est nécessaire d’avoir une approche différenciée sur les territoires, parce que tous n’ont pas les mêmes besoins en fonction de leur développement. Il faut donc avoir un dialogue régulier avec le ministère du Travail pour parler des besoins et financer l’emploi et les investissements. Contrairement à la première loi, le texte ne prévoit pas de dégressivité de l’aide versée par le fonds et c’est aussi une bonne nouvelle.
La CDE est un élément de l’expérimentation, il faut voir avec le temps ce qui sera nécessaire pour arriver à l’exhaustivité territoriale. Les conditions permettant d’arriver à cette dernière sont le bon fonctionnement d’un comité local, le montant de la CDE et la prise en compte des besoins et le fonctionnement de l’entreprise à but d’emploi à travers du management inclusif. Notre objectif est bien de ne laisser personne au bord du chemin, donc peut-être que, dans certains territoires, il faudra un peu plus de moyens parce que les personnes accueillies auront besoin d’un peu plus d’accompagnement par exemple.
Quel est maintenant le calendrier prévu pour ce texte de loi ?
Le vote définitif doit avoir lieu à l’Assemblée dans les deux prochaines semaines. La loi sera ensuite promulguée dans les 15 jours, certainement début décembre. Puis le cahier des charges devra être publié, les territoires candidats devront en prendre connaissance et y répondre, donc je pense que les nouveaux territoires pourront se lancer au cours du deuxième semestre 2021.
L’association Territoires zéro chômeur de longue durée se mobilise aujourd’hui pour la grève du chômage, quel est l’objectif ?
C’est un événement symbolique organisé depuis plusieurs années pour sensibiliser les institutions et la population au fait que nul n’est inemployable, qu’on ne manque pas de travail mais d’emploi. Les personnes privées d’emploi manifestent leur mécontentement face à la pénurie d’emploi. L’objectif est de dire que c’est vraiment du gâchis de ne pas proposer de solutions à toutes ces personnes qui veulent travailler.
Nous avons bousculé l’organisation de cet événement cette année en raison du confinement, mais nous nous mobilisons sur les réseaux sociaux toute la journée, avec des visioconférences, des témoignages vidéos et des photos pour mettre en avant l’engagement sur les territoires. Propos recueillis par Julie Clair-Robelet
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de décembre 2020.