Composé d’enseignants, de formateurs, de cadres de l’Éducation nationale, ainsi que de professionnels et bénévoles autour de l’école, et de parents en situation de pauvreté, le réseau Wresinski École d’ATD Quart Monde développe des espaces de partage des connaissances et des actions concrètes pour la réussite de tous les enfants.
« On nous apprend beaucoup à faire des maths et du français, mais tout ce qui est relations humaines, on ne nous l’apprend pas vraiment », s’exclame une enseignante, lors de la rencontre nationale du réseau Wresinski École d’ATD Quart Monde, le 22 mars. Avec une soixantaine de participants, enseignants, formateurs, personnes engagées autour de la scolarité et militants Quart Monde, elle est venue « pour piocher des idées pour la suite et réinterroger » sa mission auprès des élèves.
C’est bien l’un des objectifs du réseau Wresinski École national et des neuf réseaux régionaux constitués pour l’instant partout en France, notamment en Île-de-France, à Marseille et à Toulouse : « accompagner des professionnels dans une réflexion sur ce qu’ils peuvent changer dans leurs pratiques professionnelles vis-à-vis des plus pauvres », explique Clotilde Granado, responsable du département École d’ATD Quart Monde. Lors de cette rencontre, il s’agissait notamment de réfléchir à la question de la maltraitance institutionnelle, en partant du livre Apprendre des scolarités abîmées (voir l’encadré). Des temps de discussions étaient également organisés pour permettre aux membres des réseaux d’échanger. « C’est un lieu de ressourcement pour des enseignants qui réfléchissent à la manière de mieux faire réussir les enfants en situation de pauvreté, aux processus de stigmatisation, aux dimensions cachées de la pauvreté. C’est important de se rendre compte qu’on peut essayer de changer plein de choses dans l’école », poursuit-elle.
Sortir des représentations
En groupe de pairs, les participantes et participants ont notamment étudié l’un des témoignages du livre Apprendre des scolarités abîmées. Dans ce texte, un militant Quart Monde explique notamment comment un enseignant l’a emmené chez l’ophtalmologiste pour qu’il porte des lunettes et les conséquences, parfois négatives, que cela a eu dans sa scolarité. Une situation qui a beaucoup interpellé l’une des participantes. « Cela me questionne sur mes biais en tant qu’enseignante. Je m’investis beaucoup auprès de mes élèves, mais il faut sortir des représentations que nous pouvons avoir et laisser le pouvoir d’agir aux élèves et à leurs parents », souligne-t-elle.
Pour une autre enseignante, ce récit fait écho à ce qu’elle vit actuellement dans sa classe : « j’ai un élève avec de grosses difficultés scolaires, qui est en souffrance. J’ai remis à sa mère un dossier pour la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). Elle veut attendre un peu. C’est son choix. Je dois accepter que le cheminement peut parfois être lent et que ce n’est pas en mettant la pression que cela va aboutir », décrit-elle. Elle aimerait « apprendre à prendre le temps, mieux comprendre ce qui freine les parents », mais aussi pouvoir mieux leur partager ce qui l’anime : « Je sais que la prise en compte du dossier et la mise en place d’un accompagnement peut prendre beaucoup de temps. J’aimerais que ce soutien soit mis en place avant l’entrée de l’élève au collège. Notre travail est aussi jugé à travers la réussite des élèves et cela nous met une pression que l’on répercute parfois sur les élèves et leurs parents », explique-t-elle.
Le réseau Wresinski École permet donc de mieux comprendre les réalités de chacune et chacun. C’est ce qui a poussé une militante Quart Monde à venir : « je ne voulais pas rester avec mon passé. À l’école, la maîtresse me disait que j’étais bête, m’humiliait. Je ne suis pas allée aux réunions parents-profs de mes enfants, car j’avais peur de n’entendre que du négatif, de ne pas comprendre leurs mots. Ici, je voulais voir si les enseignants avaient évolué, partager sans être jugée », précise-t-elle.
Être à l’écoute des besoins
Pour toutes et tous, cela permet de « se décentrer, d’échanger avec des personnes qui gravitent autour de l’école dans un espace où la parole est plus libre », exprime une autre participante, qui est « frappée par le sentiment de solitude des profs ». Une problématique rencontrée également dans d’autres pays. Ainsi, un groupe d’ATD Quart Monde venu de Belgique a pu partager son expérience autour d’une campagne en cours sur « la relégation abusive des enfants issus de milieux précaires vers l’enseignement spécialisé ».
Certains réseaux École régionaux ont signé des conventions avec l’Éducation nationale, pour développer des formations sur « le lien école-famille » ou « la connaissance de la pauvreté et la réussite scolaire », d’autres ont mis en place des Croisements des savoirs et des pratiques, d’autres encore sont plutôt des espaces de dialogue. « Il n’y a pas de fiche pratique pour monter un réseau École. La seule condition est d’être à l’écoute des personnes, de leurs besoins et d’inventer avec elles des manières de faire pour y répondre », précise Clotilde Granado. Plus de 600 personnes reçoivent la Lettre de liaison publiée régulièrement par le réseau national. Cela contribue ainsi à nourrir le plaidoyer d’ATD Quart Monde, car « pour construire une société qui n’exclut personne, il faut commencer par construire une école qui n’exclut personne », affirme Clotilde Granado.
Pour plus de renseignements ou pour rejoindre ou créer un réseau près de chez vous : departement.ecole@atd-quartmonde.org