Allié d’ATD Quart Monde depuis 40 ans, Olivier Morzelle a été élu le 19 juin, par le conseil d’administration, président du Mouvement.
« Je me sens très humble en acceptant cette mission. Je vais avoir besoin de toutes et tous, militants Quart Monde, alliés, volontaires permanents, les différents pôles… J’ai vraiment envie d’avancer en équipe. » Ce sont les premiers mots d’Olivier Morzelle, élu le 19 juin dernier président d’ATD Quart Monde France, et qui succède à Marie-Aleth Grard. La décision d’assurer bénévolement cette mission pendant les prochaines années a d’abord été discutée en famille, notamment avec son épouse, Véronique, volontaire permanente depuis 2002.
C’est en effet grâce à elle qu’Olivier Morzelle a connu le Mouvement, en 1985. Déjà engagée, elle lui fait découvrir les Éditions Quart Monde, qui s’appellent alors les Éditions Science et Service. Il propose son soutien à l’équipe qui assure leur développement. En lisant Que l’injustice s’arrête, de Lucien Duquesne, un dialogue entre le président fictif du Forum sur les droits de l’Homme et des personnes en situation de pauvreté, il se « retrouve totalement dans ce président pétri de certitudes, qui pense que, dans un pays développé, tout va quand même mieux, et qui se ramasse une volée de réactions ». L’ouvrage est pour lui « un déclic ». Comme le personnage du président, il se sent « complètement aveugle » et se pose des dizaines de questions : « C’est quoi les droits de l’Homme lorsque toute une partie de la population est totalement exclue du monde du travail, rejetée à la périphérie des villes ; quand on vit dans des logements insalubres et indignes ; quand, à l’école, les enfants sont traités de pouilleux, sont mis au fond de la classe… ? »
Issu d’un milieu aisé et ayant vécu avec sa famille de l’âge de 7 à 16 ans en Algérie, il prend conscience qu’il a alors « une idée complètement faussée de la grande pauvreté », qu’il n’imaginait pas présente en France. Ses lectures le poussent donc à s’engager davantage. Il participe notamment à la première Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre 1987, au Trocadéro à Paris, aux premières Journées du livre sur la grande pauvreté, et anime le groupe de préparation des alliés pour l’Université populaire Quart Monde, à la Cave, à Paris.
Le « scandale de la misère »
Fonctionnaire d’État, Olivier Morzelle accepte des postes qui, au fil des ans, l’emmènent à Besançon, en Guadeloupe, à Avignon, de nouveau à Paris et à Rouen. Tout au long de sa carrière au sein des ministères de l’Agriculture, de l’Écologie ou encore du Logement, les affiches des actions d’ATD Quart Monde le suivent dans son bureau. Il n’hésite pas à parler du Mouvement à ses différents interlocuteurs, avec plus ou moins de succès. « J’étais parfois surpris par leur niveau de méconnaissance de la pauvreté », regrette-t-il. Ainsi, lorsqu’il évoque la campagne sur la maltraitance institutionnelle, ils sont nombreux à ne pas comprendre à quoi cela correspond.
Son travail lui prend beaucoup de temps, mais il fait parfois un pas de côté, pour ne pas rester « aveugle » sur la réalité de vie d’une partie de la population. En Guadeloupe, il se rend ainsi sur l’immense décharge de la Gabarre. Près de 30 ans plus tard, il garde encore en tête l’image « des baraquements, d’un landau sur un tas d’ordures et de personnes s’affairant autour des bulldozers pour récupérer ce qu’elles peuvent ».
De retour en France, il prend contact avec la Maison Quart Monde du Val-d’Oise. Il se lie d’amitié avec un couple de militants Quart Monde, qu’il imagine être de la génération de ses parents. Quelques mois plus tard, il apprend avec stupéfaction qu’ils ont en réalité quasiment le même âge que lui, entre 35 et 40 ans. Cela lui fait mieux comprendre « ce scandale de la misère qui vole aux gens toutes les étapes de leur vie : leur enfance, parce qu’à 10 ans il faut s’occuper de la petite sœur ou du petit frère ; leur adolescence, parce qu’ils deviennent souvent parents assez tôt ; leur âge mûr, parce qu’à 37-38 ans, on en paraît déjà 70 ; enfin leur vieillesse, parce que, malheureusement, beaucoup d’entre eux n’atteignent pas l’âge de la retraite ».
« L’urgence de la participation de tout le monde »
À la retraite depuis quelques mois, il envisageait d’avoir un peu plus de temps pour lui, mais la présidence d’ATD Quart Monde représente un nouveau défi. « Nous sommes dans une période compliquée pour obtenir des avancées politiques pour lutter contre la pauvreté. Dans les deux prochaines années, il va y avoir des échéances électorales. Cela peut être l’occasion de faire alliance avec d’autres collectifs, notamment les mouvements de jeunes sur la justice climatique, pour avoir une parole plus écoutée et faire en sorte que les personnes en situation de précarité soient actrices dans ces réflexions ».
Pour Olivier Morzelle, « c’est un défi d’être à la fois dans l’urgence climatique et dans l’urgence de la participation de tout le monde, de prendre le temps qu’il faut pour arriver à des vraies solutions de justice climatique et sociale ». Il estime que, comme lui il y a quelques années, « la société reste majoritairement aveugle, invisibilise les personnes en très grande pauvreté, et a besoin du changement de regard proposé par ATD Quart Monde ». Son rôle sera donc de poursuivre le combat aux côtés des membres du Mouvement pour « faire prendre conscience qu’on se prive de richesses en n’écoutant pas l’expérience de toutes ces personnes qui ont imaginé des stratégies pour s’en sortir et dont on devrait s’inspirer ».