Depuis 2015, l’équipe « Populations d’ici, populations d’ailleurs, un combat commun pour la dignité » rassemble les membres d’ATD Quart Monde engagés avec des personnes d’origine étrangère. Leurs connaissances et leurs analyses alimentent la campagne contre la maltraitance institutionnelle lancée en 2024.
Entre 2020 et 2024, le nombre de réclamations reçues par le Défenseur des droits en matière de droit des étrangers a augmenté de 400 %. Les trois-quarts sont liées au dysfonctionnement de la plateforme numérique des demandes de titre de séjour, qui est « à l’origine d’atteintes massives aux droits des usagers », selon l’institution. Il s’agit là d’un exemple parmi d’autres de procédures déshumanisantes touchant les personnes migrantes en France. « Le fait d’être exilé, est un paramètre aggravant de non-accès aux droits. Cela peut amener à subir l’ensemble des dimensions de la pauvreté, dont la maltraitance institutionnelle », constatent ainsi les membres de l’équipe « Populations d’ici, populations d’ailleurs, un combat commun pour la dignité » d’ATD Quart Monde.
Dans le cadre de la campagne « Stop à la maltraitance institutionnelle » menée par ATD Quart Monde, cette équipe a rédigé un document pour rendre visibles le non accès aux droits et la maltraitance institutionnelle subie par les personnes exilées, mais aussi les conséquences sur la société de cette maltraitance, et les solutions possibles. « En raison des difficultés administratives pour obtenir des papiers, les lenteurs excessives des procédures de renouvellement, les obligations, souvent abusives, de quitter le territoire français (OQTF), beaucoup de personnes se retrouvent hors de tout droit pendant des années. S’ajoutent à cela des pratiques aux conséquences parfois dramatiques comme les expulsions violentes avec destruction du peu de biens détenus par les gens », constate Hélène Rozet, volontaire permanente et co-animatrice de cette équipe. « Résultats : des parcours de vie brisés, des personnes empêchées de travailler, des associations qui s’épuisent dans des procédures dysfonctionnelles et des services préfectoraux qui peinent à débloquer des situations », poursuit-elle.
« Des vies gâchées »
Les conditions pour obtenir un titre de séjour sont en effet de plus en plus complexes, alors que la loi du 26 janvier 2024 « pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » était censée faciliter la régularisation des personnes travaillant en France dans les métiers connaissant des difficultés pour recruter. « Les dossiers à remplir sont souvent énormes, avec des pièces justificatives difficiles à produire. La parole des personnes concernées est a priori considérée comme fausse et devant être prouvée, même quand cela semble impossible », explique Marie-Françoise Combaz, alliée d’ATD Quart Monde et co-animatrice de l’équipe. Elle déplore « des vies gâchées, des chances ratées, alors que la majorité des personnes veulent s’intégrer, apprendre, travailler ». Une personne rencontrée lors de maraudes d’information pour les personnes à la rue, menée avec l’association Utopia 56, témoigne ainsi : « On ne peut pas travailler, alors qu’on peut apporter au pays. Et dans dix ans, quand on sera vieux et qu’on ne pourra plus, qu’on sera abîmé de vivre cette vie, on nous donnera l’autorisation de travailler… C’est absurde. »
Face au désengagement de l’État, ce sont les associations qui agissent pour les personnes exilées, mais « elles sont souvent empêchées d’agir, stigmatisées, voire criminalisées juste parce qu’elles essaient de faire respecter le droit », regrette Hélène Rozet.
Des pistes pour « une Nation plus humaine »
Face à ces constats, « Populations d’ici, populations d’ailleurs » avance des pistes pour « construire une Nation humaine et sereine, où le droit et l’égale dignité de toutes et tous seront respectés ». Il est ainsi nécessaire de donner davantage de moyens aux services publics pour les rendez-vous en préfecture, d’allonger la durée des titres de séjour, de faciliter l’accès au travail et d’avoir une vraie politique de logement social. Il faut aussi permettre à toutes et tous l’accès à des recours, y compris pour les personnes qui sont en France sans papier, sans existence légale, depuis des dizaines d’années.
Afin d’accompagner au mieux les personnes exilées, les membres d’ATD Quart Monde peuvent échanger et collaborer avec les réseaux locaux de partenaires. « Comme citoyens, au sein d’un magnifique réseau issu de la société civile, nous avons le pouvoir de dire les droits, d’initier des recours, de dénoncer la maltraitance, la violation des droits : nous témoignons ainsi d’une démocratie vivante, qui fonctionne », rappelle Hélène Rozet.
La lutte contre les idées reçues et la désinformation doit également être menée. Il s’agit de « susciter la rencontre pour favoriser la connaissance, de permettre aux personnes d’origine étrangère de raconter leur histoire, celle de leur famille, de leur pays », souligne Marie-Françoise Combaz. Et de conclure : « Au sein d’ATD Quart Monde, nous avons expérimenté avec des militants Quart Monde d’ici et d’ailleurs qu’il est possible de vivre et de s’engager ensemble pour une société plus juste et pacifiée. »
Pour avoir plus d’informations, contactez l’équipe nationale « Populations d’ici, populations d’ailleurs, un combat commun pour la dignité » : combatcommun.france@atd-quartmonde.org
Photo : Le 25 mars 2021, à l’occasion de la Nuit de la Solidarité à Paris, 400 tentes sont déployées place de la République par le collectif Réquisitions pour dénoncer l’inaction du gouvernement sur la situation des personnes exilées. © Utopia 56
