Gilles Caire

« Le droit aux vacances contribue à l’éducation populaire, à l’émancipation » (Gilles Caire)

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Maître de conférences en sciences économiques à l’Université de Poitiers, Gilles Caire constate qu’il y a aujourd’hui « une sous-valorisation des vacances et de leurs effets positifs ».

Le droit aux vacances a-t-il progressé en France ces dernières années ?

La Constitution française prévoit bien un droit au repos et aux loisirs. Le droit aux vacances est conçu comme un droit contribuant à la citoyenneté. On est passé d’environ 30 % de personnes partant en vacances en 1945 à 65 % au début des années 2000. Depuis, cela a tendance à diminuer. Aujourd’hui, environ 60 % de la population française part en vacances, ce qui signifie, selon la définition de l’Organisation mondiale du tourisme, qu’elle passe au moins quatre nuits en dehors de chez soi.

Comment explique-t-on cette régression ?

Sur les vingt dernières années, les prix du tourisme ont augmenté deux fois plus vite que l’inflation. Avec des revenus qui ne progressent plus, voire qui régressent pour les plus pauvres, et des prix qui augmentent, il est forcément plus compliqué de partir en vacances. Ce qui était le plus accessible avant en matière de vacances peu chères, c’était le camping. Mais il y a eu une montée en gamme des campings et c’est là que les prix ont le plus augmenté. Cela devient progressivement inaccessible, alors qu’ils représentaient les vacances populaires par nature.

Il y a aussi des problèmes de mobilité. Les personnes en situation de pauvreté n’ont pas forcément de voiture, ou alors des véhicules qui ne peuvent pas faire beaucoup de kilomètres et l’augmentation du prix de l’essence peut représenter un frein. Les problèmes de santé sont également souvent mentionnés comme un frein.

En quoi le droit aux vacances contribue-t-il à la citoyenneté ?

Ne pas partir, cela peut entraîner un sentiment d’exclusion, se sentir assigné à résidence, ne pas être « comme les autres ». Les vacances et les loisirs en général, ce n’est pas seulement du repos ou de la détente. Cela participe à la formation, à l’éducation. Pour les enfants notamment, cela contribue à découvrir d’autres paysages, à rencontrer des personnes différentes et donc à évoluer en tant que citoyen.

Si ce droit aux loisirs a été introduit dans la Constitution, c’est bien parce que le gouvernement de l’époque a estimé que les congés payés ne représentaient pas seulement la récupération de la force du travail, mais qu’ils devaient aussi contribuer à l’éducation populaire, à l’émancipation, notamment celle des enfants.

Les enfants ont-ils aujourd’hui davantage de possibilités de partir en vacances que leurs parents ?

Quelle que soit la catégorie sociale de la famille, les enfants partent plus que leurs parents. Dans les familles défavorisées, les parents se sacrifient quasiment systématiquement pour que les enfants puissent partir. Contrairement à d’autres catégories de la population, ils n’ont pas forcément des grands-parents ou de la famille qui peuvent les accueillir, ou des résidences secondaires. Le tourisme non-marchand leur est moins accessible. C’est pour cela que le travail des associations, de l’Agence nationale pour les chèques-vacances et des Caisses d’allocations familiales est nécessaire pour soutenir ces départs.

Les voyages scolaires sont aussi très importants. Pour celles et ceux qui sont exclus des vacances le reste du temps, c’est une chance. C’est bénéfique en termes de mixité sociale. Mais l’organisation de ces voyages a largement diminué dans les vingt dernières années et les séjours qui, autrefois, pouvaient être de 15 jours, sont souvent de quatre jours maximum aujourd’hui. Il n’existe cependant aucune statistique sur ces données, que le ministère de l’Éducation nationale possède mais ne compile pas pour en tirer des enseignements. Je pense que c’est un manque d’intérêt.

Comment expliquez-vous ce manque d’intérêt pour le droit aux vacances dans les politiques publiques ?

Il y a d’abord une raison financière. Les institutions pensent qu’il y a d’autres priorités, comme le logement ou la santé. Les vacances sont la dernière roue du carrosse. La seconde raison, à mon avis, est qu’il existe toujours une vision selon laquelle quelqu’un qui ne travaille pas n’a pas le droit aux vacances. On considère que c’est en quelque sorte une récompense du travail ou un temps inutile. Il y a une sous-valorisation des vacances et de leurs effets positifs sur les relations au sein d’une famille, le regard que l’on porte sur son quartier quand on rentre, sur sa vision des autres et du monde. Pourtant, c’est bien spécifié dans la loi que le droit aux vacances est pour tout le monde, qu’on travaille ou pas, quel que soit son âge et sa situation.

Mais, depuis la pandémie du Covid, un autre regard est peu à peu posé sur les vacances. Le fait que tout le monde soit moins parti en vacances a peut-être fait réfléchir d’une autre manière sur celles et ceux qui ne partent jamais. Ainsi, deux propositions de loi ont été déposées en 2023 à l’Assemblée nationale pour que ce droit aux vacances soit effectif : l’une par le député François Ruffin, l’autre par le député Benjamin Lucas, soutenu par ATD Quart Monde. Cela va peut-être faire changer les choses.

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