René Dutrey, secrétaire général adjoint du haut comité pour le droit au logement

La mise en œuvre du Droit au logement opposable montre « le naufrage de la politique publique »

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Ménages DALO restant à relogerLe Haut comité pour le droit au logement a notamment pour mission de suivre la mise en œuvre du Droit au logement opposable (Dalo) et de soumettre des propositions et des alertes au gouvernement. Son secrétaire général, René Dutrey, pointe les menaces qui pèsent aujourd’hui sur le droit au logement.

Le bilan publié par le Haut comité en octobre 2024 montre que 102 969 ménages reconnus prioritaires Dalo restent encore à reloger. Comment expliquez-vous ce chiffre ?

C’est l’équivalent d’une petite ville française ou d’un arrondissement parisien. On les appelle souvent les « naufragés du Dalo », parce que ce chiffre montre bien le naufrage de la politique publique. Il comprend tous les ménages reconnus prioritaires depuis 2008. Depuis cette date, certains ont réussi à se reloger par leurs propres moyens, sont partis à l’étranger ou sont décédés. Mais un grand nombre sont certainement encore en errance. Le Haut comité bataille pour que personne ne soit radié du fichier sans avoir été recontacté, ce qui n’est pas fait. En 2023, 51 % des ménages reconnus prioritaires n’ont pas été relogés dans les délais réglementaires de 3 à 6 mois selon les départements. 21 665 ménages ont effectivement été relogés.

La loi du 5 mars 2007 instituant le Droit au logement opposable prévoyait de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats pour permettre à toute personne ne disposant pas d’un logement adapté d’en avoir un, en contraignant l’État à réaliser cette politique publique de l’offre de logements. Dans les faits, l’État a été condamné depuis 2009 à 374 millions d’euros pour non-proposition de logement à des ménages reconnus Dalo.

Il y a environ 100 000 recours Dalo déposés par an, et le taux de décisions favorables est de 34 %. Cela ne représente pas grand-chose par rapport aux 4,2 millions de personnes mal-logées en France. La part de non-recours est gigantesque, notamment en raison des restrictions mises en place pour l’accès aux droits.

Quelles sont par exemple ces restrictions ?

Les recours Dalo sont étudiés par une commission de médiation. Il y en a une par département et la plupart ont développé des pratiques restrictives, voire illégales. Nous constatons ainsi une forte augmentation des documents demandés pour remplir un dossier Dalo. Certaines commissions de médiation demandent le métrage par un géomètre de l’appartement dans lequel la personne est hébergée, ou une attestation de l’hébergeur. C’est d’autant plus difficile que, lorsqu’elles arrivent devant ces barrières, les personnes ont déjà un long parcours du combattant administratif derrière elles.

Quelles sont les étapes de ce parcours ?

Imaginez une personne en galère dans une ancienne loge de concierge insalubre de 11 m² avec deux enfants. Elle dépose d’abord une demande de logement social. Elle doit la réactualiser chaque année, sachant que les enfants grandissent, certains reviennent à la maison, il peut y avoir des ruptures, des expulsions, des situations d’errance… Puis la personne qui n’est « pas en mesure d’accéder par ses propres moyens à un logement décent et indépendant ou de s’y maintenir » peut déposer un recours Dalo si elle répond à un ou plusieurs des critères requis (voir encadré ci-dessous).

Plus les parcours de vie sont des parcours d’errance du fait de la précarité, moins ils sont linéaires et moins ils rentrent dans les cases administratives. Un nouveau critère a par exemple été reconnu en 2022 : il ouvre le recours Dalo aux personnes vivant dans un logement inadapté à leur handicap ou à celui d’une personne à leur charge. Mais le formulaire n’a toujours pas été modifié, donc les personnes sont obligées de signaler ce critère dans la case « commentaire ».

Pour vous, ces différentes étapes correspondent-elles à de la maltraitance institutionnelle ?

Tout à fait. Nous avons travaillé il y a quelques années avec une psychologue pour mieux comprendre pourquoi des ménages refusaient des propositions de logement social. Pour les préfectures, ces refus montraient que ces personnes n’étaient pas vraiment prioritaires. Cette psychologue nous a beaucoup ouvert l’esprit. Imaginez que, pendant cinq années ou plus, vous faites l’effort de renouveler votre demande de logement social. Vous n’avez aucune nouvelle, vous ne savez pas si cette demande est bien enregistrée quelque part.

Tout à coup, vous recevez une lettre d’un bailleur social que vous ne connaissez pas. Il vous dit que vous avez été sélectionné pour un logement social à tel endroit. Vous avez dix jours pour répondre oui ou non. Dans la plupart des territoires, on ne peut pas visiter son logement avant de répondre. En termes de maltraitance, c’est assez élevé. On refuse aux personnes le droit de se projeter dans leur logement. Cela signifie aussi un déracinement de son réseau social, qui apporte souvent un grand soutien en termes de solidarité aux personnes en situation de précarité.

Donc, il y a effectivement des personnes qui refusent la proposition. Pour la psychologue, quelqu’un qui dit non alors qu’on ne lui a pas demandé son avis depuis 5 ans reprend en quelque sorte possession de son parcours.

Comment le droit au logement va-t-il évoluer dans les prochaines années selon vous ?

Le droit au logement est aujourd’hui menacé. On constate une perte de la bataille culturelle sur les valeurs. Face à la valeur de la solidarité, celles de la compétition et de l’individualisme sont en train de prendre le dessus.

Nous devons retisser ces valeurs dans la société pour que le fait d’ouvrir sa porte à quelqu’un qui a besoin de soutien soit normal, qu’on soit un particulier, une organisation ou l’État. Aucun argument politique ou économique ne devrait être entendable s’il justifie le fait de laisser une personne à la rue. Le droit au logement ne se gagne pas selon son mérite, son parcours ou ses capacités financières.

Propos recueillis par Julie Clair-Robelet

 

Les critères de reconnaissance au titre du Dalo

– Être dépourvu de logement ou hébergé chez un particulier ;

– Être menacé d’expulsion sans relogement ;

– Être hébergé de manière continue en structure d’hébergement ou en logement de transition ;

– Être logé dans un logement insalubre ou dangereux ;

– Être logé dans un logement indécent en présence d’une personne en situation de handicap ou d’un mineur ;

– Être logé dans un logement sur-occupé en présence d’une personne en situation de handicap ou d’un mineur ;

– Être en situation de handicap, ou avoir à sa charge une personne en situation de handicap, et être logé dans un logement non adapté à ce handicap ;

– Avoir déposé une demande de logement social depuis plus longtemps que le délai « anormalement long » fixé dans chaque département.

Cette interview est extraite du Journal d’ATD Quart Monde de février 2025.

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