Le réseau Wresinski École d’ATD Quart Monde rassemble des professionnels de l’éducation, des parents d’élèves, dont certains vivent la grande pauvreté, et des acteurs du quartier pour contribuer, ensemble, à faire évoluer l’école et agir contre les inégalités dues à l’origine sociale ou culturelle.
Partout en France, ils sont une centaine d’enseignants à s’être regroupés dans des réseaux locaux Wresinski École, pour “trouver du soutien dans leurs questionnements, analyser leurs pratiques et améliorer, dans leur classe ou leur école, la situation des enfants en situation de pauvreté”, explique Clotilde Granado, responsable du réseau Wresinski École d’ATD Quart Monde. Des parents et des acteurs de quartier ont rejoint ces groupes, pour réfléchir ensemble, mener des actions de formation dans des Instituts nationaux supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé), où sont formés les futurs enseignants, mais aussi mener des Croisements des savoirs et des pratiques et créer des outils de formation.
Lien école-familles
Le réseau École intervient par exemple depuis sept ans à Grigny, en Île-de-France, dans le cadre d’un partenariat avec l’Éducation nationale et la mairie. Chaque année, des projets sont construits en croisement des savoirs, avec des enseignants et des parents, autour du lien école-familles. “L’objectif est de faire réfléchir toutes ces personnes sur le rôle qu’elles peuvent avoir au sein de l’école et lutter contre les idées reçues”, détaille Clotilde Granado.
Parmi les projets réalisés, un atelier de cuisine a ainsi été créé dans une des dix écoles de la ville où est intervenu ATD Quart Monde. Tout a été pensé avec les parents d’élèves, qui sont allés demander à d’autres parents des idées de recettes. Puis, les enseignants ont écrit les recettes pour que les enfants de maternelle puissent les suivre. Parents et professeurs ont ensuite réfléchi à l’organisation de la journée : qui fait les courses, s’occupe des enfants pendant la préparation des recettes, fait chauffer les plats, organise le goûter auquel sont invités tous les parents… Les enseignants n’avaient pas inclus dans le programme le nettoyage et la vaisselle, pensant que ces tâches étaient “dévalorisantes”. Les parents leur ont expliqué qu’il était important de les inclure. Certains parents ne vont s’autoriser que cela. La première année, ils font le balayage, et après ils viendront peut-être faire des ateliers. En plus, on est contents de faire la vaisselle avec vous, c’est valorisant de le faire à vos côtés”, ont-ils précisé.
Cet exemple, parmi d’autres, souligne la nécessité de créer des moments de rencontres informels, comme des “cafés des parents”, organisés conjointement par les directeurs d’école, les animateurs du périscolaire et les parents. “Si, avant d’être convoqués pendant l’année pour un problème avec leur enfant, les parents ont déjà fait connaissance avec l’enseignant de manière individuelle, cela fonctionne mieux”, explique la responsable du réseau École. Elle précise cependant qu’il n’existe pas de solution toute faite pour renforcer le lien école-familles, car chaque situation est différente.
Conflit de loyauté
“La notion de conflit de loyauté est très importante. Il s’agit du blocage inconscient d’un enfant qui, en entrant dans les codes de l’école, a la sensation qu’il va trahir sa famille”, explique Clotilde Granado. Elle donne ainsi l’exemple d’une classe dans laquelle des petites filles turques restaient entre elles et ne parvenaient pas à apprendre le français. “L’enseignante a fait venir des mamans turques pour lire des histoires dans leur langue à toute la classe. Cela a permis de déclencher chez les petites filles l’apprentissage du français, car un lien avait été créé entre leur langue et l’école”, raconte-t-elle. Elle cite également l’exemple d’une élève qui refusait de dessiner sa chambre, comme le demandait son enseignant. Ce dernier l’avait alors emmenée chez le psychologue scolaire, sans en parler à sa mère, qui aurait pourtant pu apporter une clé de compréhension : depuis son divorce, elle habitait un studio avec sa fille et dormait par terre, ce que l’enfant ne parvenait pas à exprimer sans avoir l’impression de trahir sa maman.
“On plante des petites graines. Après, c’est difficile de savoir si elles prennent ou pas”, constate Clotilde Granado. Le réseau Wresinski École, et ses branches locales, multiplient les projets et participent à des actions en partenariat avec d’autres acteurs, comme à Roubaix. Se réunissant chaque année lors d’une rencontre nationale, il est également à l’origine de l’expérimentation “Choisir l’inclusion pour éviter la ségrégation” (CIPES). Un “changement de posture” des différents acteurs est peu à peu visible. Mais le fossé entre l’école et les familles en situation de pauvreté est encore trop souvent présent, sur tout le territoire. Comme le rappelle Clotilde Granado, “plus de 50 % des enfants vivant dans une famille pauvre ne sont pas scolarisés en réseaux d’éducation prioritaire, REP ou REP+”, où des moyens sont souvent mis en œuvre par l’Éducation nationale pour combattre les inégalités scolaires. Il est donc nécessaire d’agir partout contre l’exclusion à l’école pour cause de pauvreté.
Retrouvez la carte des réseaux Wresinski école en régions. Contact : departement.ecole@atd-quartmonde.org
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de juin 2022.
Photo : Rencontre nationale du réseau Wrésinski École à Pierrelaye les 9 et 10 avril 2022. © ATD Quart Monde