ATD Quart Monde a lancé en 2019 une expérimentation pour « en finir avec les orientations scolaires pour cause de pauvreté ». Baptisée CIPES, Choisir l’inclusion pour éviter la ségrégation, cette recherche participative est actuellement dans sa dernière étape et présentera des préconisations en janvier 2026.
Depuis six ans, huit militants Quart Monde se sont rendus dans une quinzaine d’écoles maternelles et élémentaires, avec des chercheurs, pour observer leur fonctionnement. Leur objectif était de traquer les processus d’exclusion, parfois invisibles, des enfants vivant dans des familles en situation de pauvreté, mais aussi les bonnes pratiques mises en place pour améliorer l’inclusion scolaire. Les écoles, publiques et privées, ont ouvert leurs portes à ces co-chercheurs afin de « réexaminer sérieusement les procédures d’orientation vers l’enseignement adapté ou spécialisé » et « prendre en charge, dans le cadre d’une école inclusive, les difficultés que les enfants issus de familles en situation de grande pauvreté rencontrent parfois à l’école ».
Changer le rapport avec les parents
Pour Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde et membre de l’équipe de coordination de la recherche CIPES, ces six années de travail ont été nécessaires « pour permettre aux écoles de mettre en place de véritables changements ». Suite aux observations des militants Quart Monde et des chercheurs, des enseignants d’une école maternelle ont par exemple décidé de demander aux parents ce qu’ils pensaient que leurs enfants apprenaient à l’école. « Ce sont des parents qui, pour la plupart, vivent dans la grande précarité, dans des centres d’hébergement. La qualité de leurs réponses a sidéré les enseignantes », constate Marie-Aleth Grard.
Contrairement aux trop nombreux préjugés encore véhiculés dans les discours publics, « elles ont vu que les parents étaient passionnés par ce que leur enfant apprend à l’école », poursuit-elle. Cette expérience a « changé le rapport avec les parents ». Les enseignantes ont désormais décidé de recevoir chaque parent individuellement, en début d’année scolaire, « afin de les entendre parler de leurs enfants pour mieux les connaître, mais aussi d’expliquer clairement leur façon de travailler, ce qu’il se passe dans la classe et dans l’école », détaille la présidente d’ATD Quart Monde.
Des pistes positives
Au cours de la recherche, toutes les écoles se sont donc penchées concrètement sur « d’autres moyens d’avancer avec les enfants en grande difficulté scolaire, plutôt que de choisir directement de les mettre dans les mains de la Maison départementale des personnes handicapées ou de les orienter vers une filière spécialisée. Il ne s’agit pas forcément de les laisser dans le cycle normal, mais de réfléchir à la pédagogie mise en place, aux manières d’agir avec les enfants en classe, aux relations avec les parents… », explique Marie-Aleth Grard.
Ces différentes évolutions dans les écoles ont été analysées lors de rencontres régulières avec tous les partenaires de la recherche. Elles doivent maintenant faire l’objet d’une restitution finale le 24 janvier 2026. Des outils de formation et des préconisations seront présentés. « Nous voulons mieux outiller les enseignants pour leur permettre de mieux appréhender la grande pauvreté et montrer des pistes positives pour une école qui permette à chacune et chacun de choisir son orientation scolaire », conclut-elle.
Pour en savoir plus sur Cipes : experimentation-cipes-ecoles.fr