Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale compte, au sein de son 5e collège, des personnes concernées par la grande pauvreté, dont des militantes Quart Monde. Soutenues par un groupe d’appui d’ATD Quart Monde, leurs voix sont prises en compte dans les avis transmis au Premier ministre.
Militante Quart Monde, Fatiha Ayad a, depuis longtemps, envie de faire entendre sa voix. Mais son engagement dans un parti politique l’a déçue, car elle s’est sentie “complètement inutile”. Quand ATD Quart Monde lui a proposé de devenir membre du collège des personnes en situation de pauvreté au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), elle a pensé qu’il y avait peut-être là “des possibilités d’agir”. Le CNLE est en effet la seule institution à faire participer à l’élaboration de ses avis des personnes directement concernées au sein de son 5e collège, qui représentent la moitié des membres de l’institution.
Rattachée au Premier ministre, cette institution assiste le gouvernement sur toutes les questions concernant la grande pauvreté. Ses membres sont amenés à rendre des avis et des propositions sur des sujets généraux, comme les sanctions pouvant toucher les personnes recevant les minima sociaux. Ils s’expriment également sur des thématiques très concrètes, comme la formulation d’un courrier envoyé aux allocataires au sujet de la complémentaire santé solidaire, pour savoir s’il est compréhensible par toutes et tous.
Les conditions de la participation
Sur la demande du CNLE, ATD Quart Monde a constitué un “groupe d’appui” afin de mettre en place une participation réelle de ses membres. L’un de ses rôles est de “permettre à la parole d’éclore et de faire en sorte que les personnes se sentent en confiance”, souligne Dominique Vienne, allié d’ATD Quart Monde et soutien à l’animation du groupe d’appui.
La préparation avant les séances plénières est un travail ambitieux. “Le but n’est pas d’être dans la compromission, de s’effacer pour le bien commun, mais de respecter la personnalité et le rythme de chacun pour porter cette parole commune”, détaille Clotilde Granado, qui anime le groupe d’appui. Lors de chaque réunion, elle tente de trouver un équilibre entre “se laisser porter par ce que les militants ont envie de dire, respecter leur façon d’être et de faire, ne pas mettre les personnes en difficulté, tout en gardant des objectifs ambitieux. Parfois, cela fonctionne, parfois on se plante”, explique-t-elle.
“Je porte ma voix, et celle des gens qui m’entourent. C’est sûr que, souvent, on prend exemple sur notre vie personnelle, car nous ne vivons pas forcément tous la même chose. Mais nous essayons de trouver des sujets qui rassemblent”, précise Édith Brebant, militante Quart Monde et membre suppléante du CNLE. “Je me sens porte-parole de plein de gens”, constate Fatiha Ayad. “Enfin, on nous écoute. C’est peut-être une goutte d’eau dans la mer, mais, un jour, cela portera ses fruits”, affirme Myriam Martin, militante Quart Monde également membre du CNLE.
Sortir du cloisonnement
Au sein du groupe d’appui, Franck Lenfant, militant Quart Monde, pointe l’importance du combat collectif pour aboutir à des changements. “Nous avons tous des a priori sur les personnes qui n’ont pas les mêmes priorités et problématiques que nous. Pour que le monde marche, il faut des différences. Mais pour que les différences s’apaisent, il faut discuter, comprendre l’autre. Personne n’a la vérité absolue”, dit-il. Pour Dominique Vienne, l’engagement dans le groupe d’appui, et plus généralement à ATD Quart Monde, lui permet de “sortir du cloisonnement de la société”. “Cela m’apporte une connaissance des conditions de vie des personnes en difficulté entraînant le développement d’une intelligence collective. On ne fera avancer la cause des plus démunis que si on arrive à décloisonner la société, à faire comprendre à toutes et tous ce qu’est la vie d’un trop grand nombre de nos concitoyens.”
Le CNLE est l’une des rares institutions à avoir réellement pris conscience de la nécessité de construire avec les personnes concernées. Mais les effets concrets des propositions avancées se font encore attendre. “On sait que ça ne va pas changer les choses du jour au lendemain. Ce n’est pas tant pour moi que je me bats, c’est plutôt pour les générations futures. Je n’ai pas envie que mes enfants revivent les mêmes choses que moi”, affirme Franck Lenfant. Le militant Quart Monde espère désormais que “de plus en plus de monde s’agrège autour de ces combats contre la misère”.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de juillet-août 2024.
Photo : Séminaire d’intégration pour les personnes concernées par la pauvreté et l’exclusion sociale, membres du 5ème collège du CNLE, et les personnes ressource en octobre 2023. © Ministères sociaux/ DICOM /Cédric Bufkens/ Sipa