[Avr. 2022] Au cœur des archives
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Éditorial du journal
Laissons nous enseigner !
“Si c’était possible, j’aurais accueilli des réfugiés d’Ukraine chez moi, c’est vraiment triste ce qui leur arrive”, me disait Nadia, il y a plusieurs jours. Elle m’a extirpé de l’objectif de notre réunion pour me mettre au cœur de l’actualité de ceux qui souffrent au-delà de nos frontières. Ces réfugiés de guerre qui abandonnent tout, parfois même les leurs, la bousculent, la révoltent. Cet élan de solidarité qu’elle manifeste, les plus pauvres l’ont vécu tout au long de l’histoire. Aujourd’hui encore, laisser ses amis, ses proches, l’étranger à la porte semble inconcevable. Ils savent ce que veut dire le manque, la détresse, les reproches, l’indifférence et accueillir l’autre, même si eux-mêmes n’ont rien. Conscients de leurs propres incertitudes du lendemain.
Dans son histoire, le Mouvement ATD Quart Monde a toujours fait attention à ces gestes que les plus pauvres posent au quotidien. Ces gestes qui démontrent que, même dans la plus grande détresse, l’Homme pauvre est acteur d’humanité. Poussé par la survie, il invente, il prend du recul sur sa vie et continue d’avancer et de bâtir sa vie. Mais comment faire reconnaître ces vies, imperceptibles, quand tout ramène à l’incapacité d’être ce que la société souhaite pour lui : l’irréprochabilité. Parfois, on lui demande même d’être ce que, nous-mêmes, nous sommes en incapacité d’être. Comment gravir une montagne quand les regards sont fixés sur les trous de tes chaussures ?
Nous avons tous la responsabilité de comprendre les mécanismes qui enferment les plus pauvres dans leurs situations et d’écrire l’histoire de notre pays en tenant compte de ces réalités. Le monde de la grande pauvreté a beaucoup à nous apprendre sur comment bâtir une société. Laissons-nous enseigner !
Ketty Tremoulu, membre de la Délégation nationale d’ATD Quart Monde