Revue Quart Monde n° 232
En ce qui concerne nos concitoyens les plus exclus, faire surgir et recueillir la mémoire des générations passées est un travail d’orfèvre : la mise à jour de souffrances individuelles et collectives ne peut s’entreprendre que moyennant précautions, délicatesse, certes mais également pugnacité, inventivité et esprit militant.
« C’est une violence à soi-même que de parler de l’intérieur, de choses qui nous ont marqués au fer rouge. Cela fait remonter ce qui a été brûlé, parce que notre âme est brûlée » dit un intervenant, en Suisse. Sauver de l’oubli, avec les premiers concernés, un passé le plus souvent douloureux, s’avère cependant une entreprise indispensable pour ouvrir la voie à la fierté légitime de ceux qui ont tout enduré et en sont sortis vivants. Vivants et lourds d’expérience ; réhabilitant les morts oubliés, déshonorés ; aspirant à la fraternité. « Il y a vraiment des similitudes entre l’extrême pauvreté et l’esclavage ».
Une recherche-action sur les liens entre misère, violence et paix, menée par le Mouvement international ATD Quart Monde de 2008 à 2012, a mis en lumière à quel point la violence de l’extrême pauvreté est banalisée. « Cette violence exercée par les institutions est enracinée dans des violences historiques qui, parce qu’elles n’ont pas été comprises à la lumière de la connaissance des personnes en situation d’extrême pauvreté, se perpétuent de génération en génération et condamnent des personnes, des familles et des communautés entières à se bâtir en dehors de la connaissance et de la compréhension de leur propre histoire de vie et de résistance, à porter le poids d’ignorance, de honte et de silence sur leurs origines. Cette profonde méconnaissance maintient les préjugés, cautionne l’exclusion et la discrimination. »
Extrait de l’introduction de Martine Hosselet Herbignat