En plus de poser un regard stigmatisant sur les allocataires du RSA, conditionner la solidarité nationale à du bénévolat serait injuste et inefficace.
Cette idée s’inscrit dans une logique qui se nourrit de préjugés aussi faux que tenaces : notre système social serait trop généreux et les allocataires des minima sociaux seraient des « assistés » qui « profitent du système », alors qu’au contraire une majorité d’entre eux se démène chaque jour pour survivre. Le revenu minimum devient alors une aide qui se mérite, réservée aux « bons pauvres » qui rempliraient leurs « devoirs ». Or, défendre l’idée selon laquelle les devoirs viendraient avant les droits, c’est quitter le domaine du droit pour entrer dans celui de la morale.
Entre méconnaissance et préjugés.
Vouloir conditionner le RSA à une activité, c’est méconnaître la réalité quotidienne de ses allocataires. Le montant du RSA étant de 635, 70 euros par mois en 2024, rares sont ceux qui ne cherchent pas d’emploi alors qu’ils ont la capacité de travailler.
C’est par ailleurs une insulte faite à ces personnes… une insulte illégale ! Car 20 heures d’activité par semaine pour 635,70 € correspond à un taux horaire de 7,95 €. Or, nul ne peut être payé moins que le SMIC qui aujourd’hui est de 9,40 € de l’heure.
Bénévolat obligatoire VS accès à l’emploi et accompagnement de qualité.
En plus de dévoyer l’engagement bénévole, cette proposition élude les questions de l’accès à l’emploi et de l’accompagnement des allocataires du RSA.
Un argument des défenseurs d’une telle proposition voudrait que le bénévolat favorise l’insertion professionnelle. Or, il n’existe aucune évaluation le confirmant. En revanche, il y a de multiples témoignages qui montrent que le bénévolat, même après plusieurs années, débouche rarement sur un emploi.
Et pour cause… le marché de l’emploi n’est pas aussi dynamique que certains voudraient nous le faire croire : entre 2009 et 2018 il y a eu 976 000 créations d’emploi pour 1,37 million de nouveaux actifs arrivants sur le marché du travail(1). Et si la France compte environ 360 000 emplois vacants au deuxième trimestre 2022(2), leur nombre reste cependant très largement inférieur au nombre de demandeurs d’emploi : au même moment, 2 944 700 personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2 207 500 exercent une activité réduite (catégories B et C)(3), soit un poste vacant pour 14 demandeurs d’emploi toutes catégories confondues.
En parallèle, les services de l’État ne remplissent pas leur rôle d’accompagnement : en 20 ans, alors que les contrôles et les sanctions à l’encontre des allocataires du RSA se sont multipliés, les dépenses d’accompagnement, elles sont passées de 20 % à 7 % du budget dédié(4). En 2019, seul 25% des allocataires du RSA bénéficiaient d’un accompagnement renforcé et 5 % d’entre eux bénéficiaient d’un accompagnement global. 12% des allocataires du RSA n’avaient même eu aucune orientation vers un « parcours d’insertion » au bout d’un an(5).
Au lieu de proposer une activité non rémunérée qui empêche de chercher du travail, repensons l’emploi pour permettre aux plus exclus de retrouver un emploi décent et digne.
- C. de Miras, S. de Waroquier De Puel Parlan, C. Dixte, T. Do, C. Minni, S. Rebiere, M. Rey, « Emploi, chômage, population active en 2018 ; ralentissement de l’emploi du fait de l’intérim et moindre baisse du chômage », Dares Analyses n°30, 2019.
- Dares, enquête ACEMO trimestrielle, Les emplois vacants, septembre 2022.
- https://statistiques.pole-emploi.org/stmt/publication [consulté en octobre 2022].
- « Dépenses départementales d’action sociale en 2017 : Un effritement inquiétant des marges de manœuvre », Lettre départementale de l’Odas, 2018.
- « L’orientation et l’accompagnement des bénéficiaires du RSA », Rapport de la Drees, 2020.