La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
Anti-Squat
Nicolas Silhol. Fiction. France. Sortie le 6 septembre
Inès et son fils sont menacés d’expulsion. Dans l’espoir d’un emploi stable, Inès rejoint Anti-Squat. La société propose des logements temporaires et précaires dans des immeubles de bureaux vides. Dans un lieu froid et hostile, auprès de gens de tous milieux, travailleurs pauvres, Inès tente de gérer les choses avec sensibilité et compréhension. Entre le sale boulot exigé par Anti-Squat et les résidents auxquels elle s’identifie, Inès est pourtant acculée à des compromissions, sous le regard désapprobateur de son fils qu’elle a élevé avec d’autres valeurs. Le récit dévoile un monde méconnu et la dualité d’une femme aux abois, grâce à son actrice, Louise Bourgoin, tout en finesse.
Comme une louve
Caroline Glorion. Fiction. France. Avec Mathilde La Musse, Sandrine Bonnaire, François Morel, Sarah Suco. Sortie le 20 septembre (voir l’interview de la réalisatrice et de l’actrice principale)
Lili élève seule ses trois jeunes enfants dans un foyer de femmes en situation précaire. Elle les entoure d’affection, d’attention, d’écoute, de moments de liberté aussi. Elle perd son emploi de serveuse. Jugée instable, inapte à éduquer ses enfants, soupçonnée à tort de mauvais traitements, elle tente d’échapper aux services sociaux. Ils placent ses petits dans une famille d’accueil. La pauvreté c’est aussi cela, se faire retirer ses enfants. Colère et désespoir. Des femmes amies la soutiennent. Elle se plie aux visites minutées et sous surveillance. Une avocate providentielle va se battre avec elle pour reconquérir ses droits. Tous les personnages sont nuancés. Le récit est rythmé par des scènes denses et fortes, par des pauses de tendresse, de poésie, loin de tout militantisme. Lili, une héroïne libre, révoltée, en chemin vers l’apaisement et la maturité.
Ama Gloria
Marie Amachoukeli. Fiction. Belgique/France. Sortie le 30 août. D’après une histoire personnelle.
Cléo, ayant perdu sa mère, est élevée depuis six ans par Gloria, une jeune femme cap-verdienne chaleureuse. Or celle-ci doit rentrer au pays où ses propres enfants l’attendent. Toutes deux sont très attachées l’un à l’autre, c’est pourquoi le père de Cléo accepte d’envoyer sa fille au Cap-Vert pour des vacances. Des scènes intimistes du quotidien, repas, toilette, jeux, comptines, des gros plans de visages, illustrent avec délicatesse et précision le lien maternel entre l’enfant et sa nourrice. Le monde enfantin est vu, senti à travers le regard attentif, intuitif de Cléo. Des intermèdes de dessins animés symboliques ponctuent le récit. La caméra charnelle balaye les silences, les corps, les jeux. La traversée initiatique d’une petite fille pas comme les autres et la vocation d’une femme généreuse, lumineuse qui est aussi une mère particulière.
Déserts
Faouzi Bensaïdi. Fiction. Allemagne/Maroc. 2h. VOST. Sortie le 20 septembre.
Mehdi et Hamid travaillent pour une agence de recouvrement à Casablanca. Le tandem arpente des villages perdus au fin fond d’un sud marocain pauvre, arriéré. Ils extorquent à des habitants surendettés le peu de biens qui leur reste : un mouton, un tapis… Logeant dans des hôtels miséreux, eux-mêmes tirent le diable par la queue dans une entreprise moderne, impersonnelle qui les exploite. L’un est naïf l’autre pas : “c’est nous ou eux”. Les dialogues sont tirés au cordeau, les cadrages parlent. Les deux compères croisent la route d’un bandit, acceptent de le voiturer.
Une seconde partie très distincte commence alors. C’est l’originalité du film. Après des situations burlesques à répétition, place à un rythme méditatif : scènes longues, lentes, nues. On nous fait éprouver l’attente, la fatalité, l’absurdité du monde. Tout au long du voyage, l’humour est de mise, jamais loin de la désespérance.
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