La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
La faute à Voltaire
Abdellatif Kechiche. Fiction. France. 2h10. Lion d’or Venise 2000. Sortie décalée en février.
Jallel, jeune tunisien clandestin, débarque en France “où ils se prennent pour les inventeurs de la liberté”. Contre toute attente, à Paris, il trouve un toit, des compères accueillants, des roses et des avocats à vendre à la sauvette, et surtout des amoureuses. Des scènes longues (parfois trop), souvent exquises. Elles caressent les visages et cisèlent les dialogues. Ici, l’identité des sans-papiers, des exclus ne se limite pas à leur condition, ils ont leur vraie vie. On en oublie les risques, jusqu’à une fin muette, magistrale.
Scrapper
Charlotte Regan. Fiction. Grande-Bretagne. VOST. Sortie le 10 janvier.
Georgia, 12 ans, orpheline, délurée, survit seule grâce à un trafic de vélos avec un copain. Pour les services sociaux, elle est élevée par un oncle. Survient Jason, il se présente comme son (jeune) père. Il s’avère joueur, patient. Il se coule dans la vie de Georgia jusqu’à l’apprivoiser. L’adolescente évolue dans une sorte de no man’s land : murs acidulés de son quartier, pas de travailleurs sociaux, pas d’école. Les araignées ont des prénoms. Un père, dont elle ne connaissait pas l’existence, débarque par enchantement, peu après le décès de sa mère. La magie côtoie le réalisme. C’est l’originalité du film, et son revers : une histoire qui n’est pas un conte et qui reste un peu en surface, hors sol.
Si seulement je pouvais hiberner
Zoljargal Purevdash. Fiction. Mongolie. VOST. Sortie le 10 janvier.
Ulzii, adolescent d’un quartier pauvre d’Oulan-Bator, élève brillant, rêve de gagner un concours de physique et une bourse à la clé. Sa mère, illettrée, veuve, pour trouver du travail à la campagne, lui laisse la responsabilité de ses sœur et frère, sans moyens de subsistance. Chauffer la yourte, se nourrir devient obsessionnel. Pourtant, ce qui frappe dans ce dénuement, c’est la chaleur, la gaieté, la complicité, la débrouillardise de la fratrie. Et le dilemme d’un jeune d’aujourd’hui dans un pays moderne et traditionnel. Une échappée rare, loin des clichés.
La tête froide
Stéphane Marchietti. Fiction. France. Prix d’interprétation Florence Loiret-Caille, festival de Sarlat. Sortie17 janvier
Dans la région de Briançon, Marie vit dans une caravane en lisière de forêt. Pour boucler ses fins de mois, elle fait de la contrebande de cigarettes entre la France et l’Italie, avec l’aide de son ami Alex, policier aux frontières. Elle rencontre Souleymane, sans papiers, en transit ; elle est amenée à le loger provisoirement. Pour payer la suite de son voyage, il propose à Marie de faire passer deux hommes en Italie, puis plus, ensuite ce serait lui .Cela devient un engrenage. Deux personnages dans la survie économique se révèlent ici dans leur complexité et leur ambiguïté, sans jugement. La neige, la montagne, la nuit omniprésentes, une tempête, assorties d’une musique originale, font monter la pression dramatique comme il faut. Mais le déroulement souffre de longueurs ; il oscille entre thriller et film social. Le personnage de Marie, instinctive et partagée, anxieuse ou pleine de sang-froid, distante puis empathique et concernée, offre les nuances et l’inattendu qui manquent au récit parfois prévisible.
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