La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
Mikado
Baya Kasmi. Fiction. France. Sortie le 9 avril.
Mikado, Lætitia et leurs enfants, Nuage et Zéphyr, composent une famille nomade, à la marge, mais libre à bord de leur van. Une panne les conduits à être hébergés chez Vincent, enseignant veuf, et sa fille Théa. Nuage découvre l’ancrage d’une maison, les livres, l’attrait de l’école et la perspective d’une identité. C’est la rencontre de deux milieux, chacun a ses fragilités, chacun s’apprivoise. Élevés en famille d’accueil, Lætitia et Mikado en ont souffert. Mikado, sans cesse sur le qui-vive, a vécu l’abandon maternel puis la maltraitance. Leur obsession à tous deux est le placement de leurs enfants, en raison de revenus insuffisants, voire d’une fragilité du père. Des interprétations très convaincantes, des plans rapprochés, charnels, des scènes poétiques ou réalistes, des dialogues justes. Le récit progresse lentement, puis bascule dans le drame. Il invite résolument à l’espoir et à chasser les préjugés, peut-être en approfondissant un sujet très sensible.
Une avant-première de ce film, suivi d’un débat, auront lieu au cinéma Le Méliès, à Montreuil, en partenariat avec ATD Quart Monde, à 20h15 le 8 avril.
La jeune femme à l’aiguille
Magnus von Horn. Fiction. Suède. VOST. Sortie le 9 avril.
Copenhague, 1918. Karoline, jeune ouvrière, vit dans un taudis. Enceinte du patron de l’usine, elle accepte l’offre de Dagmar, fascinante et énergique, qui aide celles et ceux que personne n’aide. Elle place clandestinement des enfants illégitimes ou de milieux pauvres dans des familles riches. Karoline devient nourrice à ses côtés. Deux femmes fortes, non-conformistes, unies face à l’adversité sociale, basculent dans la cruauté. Un noir et blanc somptueux, un style tantôt classique tantôt nourri de musique et d’effets spéciaux effrayants, des interprètes hallucinantes. Reste un trop-plein de thèmes qui brouille l’ensemble.
Un médecin pour la paix
Tal Barda. Documentaire. France/Canada. VOST. D’après l’autobiographie “Je ne haïrai point”, R. Laffont 2012. Sortie 23 avril.
Izzeldin Abuelaish Palestinien est né dans le camp de Jabalia à Gaza. Son enfance est faite de misère et de privations. Devenu médecin obstétricien, il choisit de travailler dans la maternité d’un hôpital israélien. Père de six enfants, son épouse meurt d’une leucémie, sa fille aînée prend la relève, renonce à ses études. En 2009, sa maison est bombardée « par erreur » alors qu’il se croyait protégé, « une maison emplie d’amour et d’éducation ». Trois de ses filles et une nièce sont tuées. On assiste à une reconstitution du drame, tantôt en images, tantôt en animation. Comme dans une étonnante séquence de télé réalité, il appelle à l’aide un ami journaliste de la télévision israélienne, en direct.
Contre toute attente, « il n’est pas pétri de haine ». Il continue son combat pour la santé et l’éducation qu’il considère comme les fondements pour la paix. Le récit s’attarde sur ce drame, sur ses demandes d’excuses au gouvernement israélien, en vain. Il accepte un poste au Canada. Il crée une fondation pour l’accès des filles à l’éducation en mémoire de Bessan, Mayar, Aya et de Noor sa nièce. On sent un homme passionné, chaleureux, tenace, résilient, qui cherche à convaincre, à communiquer, inlassablement en missions, en conférences, souvent accompagné de ses filles. Précisément, ce sont les séquences familiales, plus intimes, où s’expriment ses trois enfants sur leur propre expérience passée et leur vie actuelle, qui « humanisent » un portrait d’homme exceptionnellement déterminé à ne pas céder à la haine. Les milliers de bébés qu’il a mis au monde en sont tous dépourvus à la naissance.