La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
Los Reyes del Mundo
Laura Mora. Fiction. Colombie. VOST. 29 mars. Coup de coeur
Rà et ses amis des rues de Medellin traversent le pays dans l’espoir de récupérer un terrain familial. Entre réalisme cru et poésie onirique, de la violence à la tendresse, une équipée terrible, des jeunes époustouflants de naturel qui jouent leur propre vie.
L’établi
Mathias Gokalp. Fiction. France (d’après le livre éponyme de Robert Linhart). 5 avril.
Peu après mai 1968, Robert normalien et militant d’extrême-gauche se fait embaucher à l’usine Citroën,à Paris. Il vit de l’intérieur le rythme insidieux de la chaine, le bruit terrifiant, les blessures physiques, les humiliations, le racisme, la hiérarchie. La direction demande aux ouvriers trois heures supplémentaires gratuites de « rattrapage », c’est le point de départ d’une grève. L’atmosphère de l’époque, héroïque, les divergences entre ouvriers, entre cultures, les doutes de Robert et ses pairs sont très soigneusement montrés dans un déroulement classique et efficace, porté par des interprètes parfaits et une musique originale très adaptée. « L’usine pétrit la matière humaine, les machines la moulent. »
Le prix du passage
Thierry Binisti. Fiction. France. 12 avril
Dans une ville portuaire du nord, Natacha, mère célibataire, peine à élever son enfant, puis perd son travail. Walid, refugié, voudrait rejoindre l’Angleterre. À l’aide de la voiture de l’une et des contacts de l’autre, ils organisent des traversées clandestines en ferry. Ce faisant, ils concurrencent des passeurs. Jusque-là indifférente aux galères des migrants, la jeune femme, découvre des univers étrangers, améliore son ordinaire, devient une sorte d’héroïne. Même si le taux de réussite des passages semble invraisemblable, le récit tire sa force d’une belle tension dramatique et de l’interprétation très juste des protagonistes.
Amel et les fauves
Mehdi Hmili. Fiction. France/Tunisie. VOST. 12 avril
Amel travaille en usine tandis que son mari Tahar erre de bar en bar. Moumen, leur fils, est gardien de but à ses heures et rêve d’une carrière dans le football. Amel se compromet avec un homme d’affaires qui pourrait aider son fils dans ce milieu fermé. Il abuse d’elle. Accusée d’adultère et de prostitution, Amel est emprisonnée, bannie par Tahar, tandis que Moumen sombre dans les pièges de la ville. A sa sortie, la mère tentera tout pour retrouver son fils. Dans une société patriarcale, corrompue, une femme se bat pour sa dignité et sa liberté. Une Tunisie cachée, vue à travers les plus vulnérables, les femmes et les jeunes. De très belles scènes de complicité mère- fils. Attention des séquences violentes. Un hommage du réalisateur à sa propre mère.
La colline
Denis Gheerbrant, Lina Tsrimova. Documentaire. France/Belgique. VOST. 12 avril
Non loin de Bichkek, capitale du Kirghizistan (Asie centrale), une énorme décharge. Des hommes, des femmes, des enfants y travaillent, y dorment parfois dans les fumées toxiques, le froid ou la canicule. Ils trient plastique, carton, métal, verre, payés au kilo, Alexandre, ancien combattant russe, et sa femme Lena, apprivoisés lentement par la réalisatrice, se confient. Il y a aussi Tadjikhan, veuve énergique et digne, trop âgée pour le travail agricole. Et encore l’émouvante Djazira, 15 ans, qui a arrêté ses études pour remplacer son père malade. Dans ce paysage hallucinant, de jour comme de nuit, des camions bennes déchargent inlassablement les détritus, devenus marchandise monnayable pour des êtres humains eux-mêmes rejetés au bord du monde.
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