Pour s’évader un peu pendant le confinement, les membres d’ATD Quart Monde ont accepté de parler de leurs lectures. Plusieurs d’entre eux ont choisi d’évoquer des ouvrages sur la prison.
Derrière la seizième porte. Une classe pour s’évader dans la prison
Françoise Leclerc du Sablon, Éditions L’Harmattan, 2015, 144p. 14,50 €
Françoise Leclerc du Sablon, alliée d’ATD Quart Monde, raconte le franchissement des seize portes de la prison avant d’arriver dans sa classe et ce qu’elle a mis en place pour que des femmes en milieu carcéral puissent s’exprimer et participer en confiance. Ce qui m’a plu dans ce livre, c’est le courage de femmes pour arriver à être en confiance pour exprimer un fragment de leur parcours. La prison est une choses difficile à vivre. Quand quelque chose bouscule la vie, il faut, je pense, le courage d’affronter ce qui suivra après. Un livre touchant, fait d’histoires de réalité. Lucienne Soulier
Carnets de prison ou l’oubli des rivières
René Frégni, Gallimard, 48 p., 3,90 €
Ce petit livre m’a fait découvrir René Frégni. Il écrit à propos des ateliers d’écriture qu’il anime depuis 25 ans dans les prisons marseillaises, en particulier les Baumettes. C’est magnifique et passionnant. « J’ai essayé de parler de mon travail, si modeste, dans les prisons, du rôle de livres, des mots et de l’amour, de mon impuissance face à ces montagnes de misère et d’injustice qui s’accumulent et annoncent des jours sans doute barbares. » « Que s’est-il passé pour qu’une partie de la jeunesse se trouve dans un tel état de perdition, moyée dans l’illettrisme, la drogue et la violence… Lentement, honteusement, se sont constitués d’un côté une élite sociale et culturelle et de l’autre d’immenses ghettos de misère et d’illettrisme… » Pierre Saglio
Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon
Jean-Paul Dubois, Éditions de l’Olivier, Prix Goncourt 2019, 256p.,19 €
C’est le premier livre que je lis de cet auteur, et il m’a donné envie d’en lire d’autres ! Paul Hansen est en prison, à Montréal, pour deux ans. Il partage sa cellule avec Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre, géant déroutant à la fois redoutable et fragile. Avec humour et tendresse, Paul nous décrit la vie à côté d’Horton, et en même temps, il raconte sa vie à lui, sa vie passée qui habite ses souvenirs et son cœur : son enfance à Toulouse, ses parents si différents, son père pasteur danois si touchant – et si fragile quand il perd la foi-, Winona, sa merveilleuse amie canadienne pilote qui l’emmène en plein ciel, au-dessus des nuages… Paul, homme bienveillant prêt à aider les âmes en détresse, mais dont la vie, un jour, a basculé…
Le monde que décrit Dubois est dur, la tragédie y rôde, la tristesse et la mélancolie l’habitent, le bonheur n’y est jamais acquis. Mais il y règne une humanité, une tendresse, une nostalgie, une aspiration à la droiture. Et l’humour y est toujours présent, antidote à la dureté de la vie. Il m’a infiniment touchée ! Catherine de Sairigné
Une amie de la famille
Jean-Marie Laclavetine, Gallimard, 2019, 192p., 18 €
Histoire vraie de l’auteur qui a perdu à 15 ans sa sœur Annie, âgée de 20 ans , emportée par une vague à Biarritz sous les yeux de sa famille le 1er novembre 1968.
50 ans après, l’auteur, poussé par les réflexions de sa fille et d’une nièce, réussit à lever la chape de silence total posée sur cet accident dont la famille n’a jamais pu parler. Seule trace une photo d’Annie sur la cheminée du salon familial. Les indices sont faibles, les témoins les plus importants ont disparu. Peu à peu les fils se tirent et se tissent pour faire se redessiner le portrait d’Annie.
Ce livre n’a pas de plan, les choses se disent et s’écrivent au gré des rencontres, des souvenirs qui remontent, le tout avec une très grande délicatesse. Réflexion intéressante sur la véracité des souvenirs sans mettre en doute la bonne foi des témoins. Très beau portrait du couple des parents à travers la lecture de leurs lettres d’époux séparés par la vie professionnelle. J’ai beaucoup aimé ce livre qui n’est pas triste malgré son sujet. Monique
Les bâtards du soleil
Eve de Castro, Éditions Olivier Orban, 558p., 1988, 10,9 €
Je ne sais pas bien lire, je ne peux pas lire un livre entier. Là, j’ai un bouquin que j’ai eu dehors, dans une boîte à livres de mon quartier. Il est très long. Ça parle des enfants du Roi Louis XIV. Il y a des passages tristes, les enfants sont malheureux; ça fait plus d’une semaine que je suis en train de le lire, c’est une histoire intéressante. Quand j’ai un mot que je ne comprends pas, je prends le dictionnaire, alors ça m’apprend. Et quand j’en ai marre, je fais autre chose, des mots mêlés, ou je prépare à manger, parce que j’ai pas envie de rester devant la télé toute la journée. Je lis comme ça, histoire de passer ma journée. Marcelle
Histoire d’un allemand, Souvenirs (1914-1933)
Sebastian Haffner, collection Babel chez Actes-Sud, 448p., 2004, 9,70€
Un livre rédigé en 1939 alors que l’auteur a quitté l’Allemagne pour l’Angleterre et qui sera découvert et publié après sa mort en 2000. C’est un témoignage très vivant sur sa vie en Allemagne entre la première guerre mondiale (il est né en 1907) et 1933, en montrant à chaque étape comment évolue la jeunesse, comment elle est préparée psychologiquement pour l’arrivée des nazis, comment ceux-ci entraînent les jeunes dans le « piège de la camaraderie ». Passionnant, dans un style très fluide. Annick Mellerio
Retrouvez ici d’autres livres conseillés par ATD Quart Monde