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Le squat : problème social ou lieu d’émancipation

Le squat : problème social ou lieu d’émancipation

Approche sociologique des différentes formes de squat, des disparités d’existence de ceux qui y habitent, mais aussi des perceptions des squats dans la société.
L'abbé Pierre disait : « je préfère que les gens vivent dans l’illégalité plutôt qu’ils ne meurent dans la légalité ».

Conférence-débat de l’Association Emmaüs à l’École normale supérieure

Pour Florence Bouillon, « l’existence du squat procède avant tout du manque de logement » : c’est à partir de ce constat que le sujet de cette conférence s’est focalisé sur d’une part l’impossibilité d’accéder à un logement, d’autre part les phénomènes de contestation de cet état de fait. L’auteure a ajouté la question de la discrimination de certaines populations exclues de l’habitat ‘normal’ pour des raisons ethniques. C’est en particulier sur ce dernier aspect qu’elle a enquêté en préparation de sa thèse Les mondes du squat – anthropologie d’un habitat précaire, parue en 2009. Pour elle, le squat est avant tout un « habitat de secours ».

Comment le squat, par définition illégal, est-il perçu par les propriétaires des lieux, par les bailleurs sociaux, les organismes HLM, les sociétés immobilières, les groupes bancaires, qui possèdent des locaux souvent longtemps inoccupés. Par le voisinage : crainte de trafics de drogue, troubles de la quiétude des lieux, nuisances diverses qui accroissent le sentiment d’insécurité et qui peuvent aller jusqu’à dévaloriser le quartier. « Les habitants des squats, qui font partie des fractions les plus précarisées des classes populaires, subissent le rejet des ouvriers plus stabilisés qui voient en eux la menace d’un déclassement »

A propos de la situation légale des habitants des squats, l’auteure rappelle que la loi dite Loppsi2 (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure) risque d’aggraver cette situation en ouvrant la possibilité d’expulser dans un délai de 48 heures toute personne vivant dans un logement susceptible de « comporter de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». Tous les habitats atypiques (cabane, camion, yourte…) sont menacés : il est prévu d’« adopter un texte donnant explicitement raison au droit de propriété contre le droit au logement ».

Pour confirmer que les habitants des squats « sont avant tout des mal logés », l’auteure décrit leur profil type : des personnes sans papier, des demandeurs d’asile, des migrants à qui l’asile a été refusé, mais aussi des immigrés en situation administrative régulière qui, pour des raisons de discrimination raciale ou ethnique, ne peuvent accéder à un logement de droit commun, des personnes ayant perdu leur logement, des femmes seules avec enfant, des personnes au chômage…

A l’opposé, les squats sont parfois la résultante d’utopies urbaines, des lieux où peuvent s’épanouir des communautés alternatives, des expériences libertaires ou autogestionnaires. Mais le plus souvent, pour les personnes pauvres, en marge de la société, c’est la possibilité d’être dans ses meubles, d’échapper aux contraintes des foyers d’hébergement ou « à une condition socio-résidentielle misérable », en somme « une tactique de résistance à la désaffiliation ».

Jean-Pierre Touchard

Éditions Rue d’Ulm – La Rue ? Parlons-en ! – 2010 – 70 p.

Florence Bouillon est l’auteur d’une thèse intitulée Les mondes du squat.