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Les mondes du squat
- Sociologie, Logement
Description
Anthropologie d’un habitat précaire
Pour cette thèse en anthropologie, Florence Bouillon figure parmi les lauréats, en 2009, du Prix Le Monde de la recherche universitaire. Résultat de dix ans d’investigation, principalement à Marseille, cette recherche introduit le lecteur au cœur d’une réalité complexe appréhendée sur trois registres.
1. Une ethnographie des squats et de leurs habitants, où sont décrites les différentes façons d’habiter selon qu’il s’agit de squats alternatifs ou politiques, de squats d’activités (artistiques ou autres), de squats de pauvreté qui sont là davantage explorés, qu’ils soient des squats de passage ou des squats de sédentarisation, avec le souci « de se mettre à l’écoute des habitants, dans la diversité de leurs situations et de leurs aspirations » (migrants discriminés, sans logis, mal logés, jeunes en marge ou en difficulté).
2. Une introuvable politique du squat, où sont analysées les insuffisances ou les inadaptations des réponses institutionnelles aux besoins de logement de certaines populations démunies de ressources économiques (parc privé bon marché, logement social, hébergement de réinsertion sociale, hébergement d’urgence) : « un ensemble de structures qui constitue un univers très hiérarchisé au sein duquel est effectué un tri des publics consistant à orienter les plus fragiles vers les foyers dans lesquels la prise en charge est paradoxalement la plus courte en temps et la moins accompagnée. »
L’auteure fait remarquer que la réalité des squatteurs est ignorée tant par les politiques publiques d’accès aux droits et à un relogement durable que par les lois relatives au droit au logement. Bien plus, « nulle instance n’est chargée, ni au niveau local ni au niveau national, de réfléchir de manière globale ou transversale à la question du squat. » D’où les recours fréquents aux tribunaux pour « des demandes d’expulsion, acceptées dans 96,4 % des cas pour les squatteurs et les gens du voyage, contre 77,4 % des cas pour les locataires. »
3. Une compréhension des compétences des citadins disqualifiés. Peut-être la partie la plus intéressante car elle fait valoir les savoir-faire, les savoir-dire, les savoir-être des squatteurs. Ceux-ci ont des compétences « communicatives, cognitives, urbaines ». Certes celles-ci sont précaires et n’ont pas toutes, pour eux, le même pouvoir protecteur et intégrateur, mais elles témoignent de leur résistance ou de leur refus, de leur créativité et, somme toute, de leur dignité… loin des représentations disqualifiantes dont on les affuble.
L’ouvrage se termine par un épilogue original où l’auteur revient sur sa manière de procéder auprès des squatteurs, sur les risques de malentendus entre enquêteurs et enquêtés, sur la difficulté du chercheur à concilier implication, distanciation et engagement.
Daniel Fayard
Presses Universitaires de France – Partage du savoir – 2009 – 249 p.
Une conférence de l’auteur à l’École normale supérieure a été publiée dans la collection La rue ? Parlons-en !