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Chômage : le cas français

Chômage : le cas français

Etat des lieux du chômage en France en 1997, rédigé à la demande du Commissariat général au Plan.

Le rapport Gaino, sorti en mai 1997, d’abord gardé secret en raison de ses révélations sur les réalités du chômage en France, a rendu officielles les estimations les plus pessimistes. Le corps du rapport présente la plupart des statistiques nécessaires à sa bonne compréhension et à l’argumentation de ses conclusions.

Les 12 pages du « rapport de synthèse » présenté au début de l’ouvrage en donnent toute la substance.

  • « Désormais la France affiche le taux de chômage le plus élevé du G7, à l’exception de l’Italie ».
  • « En France, on entre plutôt moins au chômage qu’ailleurs, mais on en sort beaucoup plus difficilement ».
  • Les jeunes sont les premières victimes du chômage. Ils entrent d’emblée dans la précarité qui caractérise les nouveaux emplois.
  • « Le nombre de ceux qui sont directement touchés dans leur entourage familial par le chômage au sens strict s’élève à 6.6 millions, si l’on considère les couples dans lesquels au moins un des deux membres est actif, et 8.7 millions sur la base de l’ensemble des ménages. Ce qui permet de mieux mesurer la place du chômage dans la société. Et encore cette mesure ne prend-elle en compte que le chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT) en laissant de côté tout ce qui relève du chômage découragé, du chômage déguisé, du temps partiel subi et de la précarité de l’emploi. »

Il faut en outre prendre en compte environ :

  • 400 000 personnes en emploi subventionné dans le secteur non marchand ;
  • 250 000 chômeurs découragés ;
  • 300 000 personnes désirant travailler mais ne pouvant pas chercher d’emploi ;
  • 450 000 personnes retirées de la population active pour cessation anticipée d’activité ;
  • 350 000 personnes bénéficiant d’un dispositif de formation.

En 1980-81, la moitié du groupe des défavorisés était composée de retraités. Le second groupe était formé de ménages dont le chef de famille était chômeur (19%). Près des trois-quarts de ces chômeurs relevaient d’ailleurs de la catégorie des ouvriers et la moitié d’entre eux avaient entre 25 et 40 ans. Entre 1980 et 1994 la part représentée par les chômeurs dans la population des défavorisés a doublé (37%). Les chômeurs constituent donc aujourd’hui la catégorie la plus importante du bas de l’échelle.

Dans leurs conclusions, les auteurs font trois observations :

  • « Le niveau élevé du chômage n’apparaît pas comme la contrepartie du maintien de l’emploi durable à temps plein dans une logique du tout ou rien, où l’augmentation de l’un serait le prix à payer pour la préservation de l’autre. Au contraire, en même temps que le chômage de masse, au sens strict, s’étend, le travail s’effrite encore plus rapidement à travers le temps partiel subi, le travail précaire et l’emploi atypique non marchand ».
  • « Cet effritement continu de l’emploi modifie radicalement les conditions de l’insertion sociale et professionnelle et les stratégies des jeunes, qui sont désormais, pour la plupart, condamnés à entrer dans la vie active en prenant de plus en plus tardivement leur place dans une file d’attente qui les mènera progressivement du chômage à l’emploi précaire, puis de l’emploi précaire à l’emploi permanent, en un temps d’autant plus long qu’ils seront moins diplômés et que leurs premières expériences seront plus courtes ».
  • « Dès lors que l’accès à la stabilité de l’emploi est de moins en moins égale pour tous, dès lors que l’insécurité de la relation de travail confère à ceux qui ont un patrimoine un avantage indéniable sur ceux qui n’en ont pas, parce qu’ils sont plus vulnérables, alors le modèle républicain s’efface peu à peu et, avec lui, une certaine idée du pacte social ».

Jean Guinet

La Documentation française – 1997 – 180 p.