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Les nouveaux esclaves du capitalisme
- Migrations, Travail, Esclavage
Description
Agriculture intensive et régression sociale : l’enquête
L’auteur, qui se dit paysan-journaliste, nous livre des enquêtes très documentées sur ce qui s’est développé depuis plus de quarante ans dans le sud de l’Europe : l’agriculture intensive, orientée vers toujours plus de rentabilité, « un monde où tout doit faire argent ». D’ailleurs, presque tout le monde y trouve son compte : les propriétaires de grands espaces agricoles qu’il a fallu parfois rendre exploitables après traitements des sols, les industries chimiques des produits phytosanitaires, les groupes agro-industriels, les sociétés de transports routiers, la grande distribution, les syndicats patronaux majoritaires, les consommateurs européens « qui adorent les tomates en décembre et les fraises en février », et les rabatteurs et employeurs des migrants saisonniers.
Les régions où se pratiquent ces cultures sont la Provence, l’Andalousie, avec les serres plastiques d’Alméria, et l’immense fraiseraie de Huelva à l’ouest de Séville. A ces trois régions, l’auteur a ajouté un chapitre sur le Maroc, « immense salle d’attente » pour les migrants africains, et nouvelle terre d’expérimentation de cultures intensives importées par des entrepreneurs européens.
Si tout le monde y trouve son compte qui en fait les frais ? Qui est à la source de sa rentabilité ? L’auteur fait alors un véritable travail de journaliste, restituant les résultats de multiples enquêtes auprès des travailleurs migrants, auprès des syndicats minoritaires qui tentent de les défendre, auprès de mouvements sociaux ou de journaux locaux. Il s’est aussi adressé aux quelques inspecteurs du travail restants qui ont eu le courage de soulever le scandale de cette exploitation. Car il s’agit bien de l’exploitation de travailleurs étrangers qui sont à la merci des employeurs et dont les conditions de vie sont celles d’un sous-prolétariat. Ils ont été embauchés par l’intermédiaire de soi-disant contrats qui leur sont proposés par des rabatteurs dans leurs pays d’origine, ou grâce à des ententes bi-latérales sur des quotas entre pays européens et pays en développement.
D’où viennent ces migrants ? Dans les années d’après guerre, ils étaient principalement originaires des pays de l’Europe du Sud. Selon les fluctuations des crises économiques, ils peuvent venir maintenant de Pologne, des pays d’Europe de l’Est, ou même d’Amérique latine ou de pays asiatiques.
Les deux derniers chapitres tentent d’appréhender la signification économique de ces phénomènes d’exploitation de la main-d’œuvre des migrants, en les rapportant à la situation uniquement compétitive du commerce mondial, à ses impératifs de « toujours plus de rentabilité », à sa propension à utiliser la force de travail de ceux qui sont sans pouvoir. Il s’agit là d’une réflexion utile sur les raisons profondes de cette exploitation de la pauvreté qui fait comprendre le rôle prétendument inéluctable du capitalisme et de ses mécanismes du marché libre. Cette exploitation des travailleurs étrangers, outre son caractère amoral, n’a pour but que de générer le plus de rentabilité possible pour les pays employeurs, de satisfaire le plus de consommateurs possible, avec en contrepartie encore plus de régression sociale, de misère, de racisme et de xénophobie.
Jean-Pierre Touchard
Au Diable Vauvert – 2008 – 410 p.
Patrick Herman avait fait paraître en 2007 un livre constitué de textes courts et de photographies, “La roue ou la Noria des saisonniers agricoles“, qui témoignait des conditions de vie de ces travailleurs dans les mêmes zones de production qui sont décrites ici.