Après avoir publié un premier rapport sur l’impact du Covid19 dans la vie des personnes en situation de grande pauvreté, le laboratoire d’idée santé d’ATD Quart Monde s’est de nouveau mobilisé afin de rédiger un second rapport, cette fois-ci sur le déconfinement en établissant un constat et des préconisations.
Le confinement a marqué chaque Français par son caractère inédit. Comme l’explique le premier rapport du laboratoire, les personnes en situation de grande pauvreté ont été particulièrement impactées par cet événement malgré de nombreux gestes de solidarité comme des jeunes qui se mobilisent pour faire les courses ou les commerçants qui offrent des déjeuners.
Le confinement a aussi permis de mettre en lumière certaines injustices et d’alerter sur la situation des personnes précaires.
Ce second rapport du laboratoire d’idée santé pose la question de l’accueil du déconfinement par les personnes en situation de grande pauvreté, accueil mêlé d’angoisse et de soulagement.
Le déconfinement : Une liberté retrouvée ?
Pour beaucoup, sortir de chez soi a été vécu comme une délivrance surtout quand on sait les conditions de vie de certaines personnes lors du confinement, obligées de rester dans un logement insalubre. Le retour chez soi en devient même compliqué.
Ce déconfinement entraîne une suite de mesures notamment la fin des attestations. Les personnes en situation de grande pauvreté se sentent de nouveau libre. Ces attestations représentaient une réelle source d’inquiétude (Cf le premier rapport).
L’élargissement de la zone de circulation dans un rayon de 100 kilomètres a permis à des familles de se retrouver notamment avec des enfants auparavant placés. Le déconfinement a aussi été l’occasion pour certains de retourner chez le médecin.
Cependant, loin d’être seulement une libération, le déconfinement a des conséquences et pose de réelles questions dans la vie des personnes en situation de grande pauvreté.
Les mesures prises dans le cadre du déconfinement : marqueur d’inégalités sociales ?
Malgré un sentiment de soulagement, le déconfinement pose question. Le confinement a marqué les esprits et mêmes les corps. Certaines personnes appréhendent de sortir de chez soi. Les corps sont « rouillés » et beaucoup vivent avec des maladies chroniques. Sortir de chez soi peut donc représenter une épreuve.
Pour investir l’espace public il est fortement conseillé de porter un masque. Il peut être difficile de s’en procurer un malgré les gestes de solidarité des individus qui offrent des masques. Leur distribution se fait inégalement. Un certain nombre de mairies distribuent des masques en ciblant d’abord les personnes âgées et ceux inscrits sur listes électorales. Quid des personnes sans papiers ou de ceux qui ne sont pas inscrits sur ces listes ?
Ces masques, mêmes s’ils sont pour beaucoup rassurant et peuvent permettre de se sentir moins stigmatisés, ils créés néanmoins une réelle distance sociale qui entraîne une angoisse. Le fait de ne pas pouvoir se voir ou s’entendre convenablement peut s’avérer perturbant.
Bien qu’il faille respecter les gestes barrières qui sont le moyen d’endiguer la pandémie, le sentiment de solitude qui en découle est réel.
La peur d’un reconfinement ou d’une contamination reste dans les esprits de chacun. Voir des personnes qui ne respectent pas les consignes accentue cette peur.
L’une des grandes questions de cette crise est le dépistage du virus. Ce rapport en expose les enjeux et les problématiques.
Accueillir le dépistage du Covid19
Loin d’être pleinement accepté par les personnes en situation de grande pauvreté, le dépistage fait débat.
Il s’avère positif quand il s’agit de savoir si nous sommes atteints du virus et peut être rassurant si le test s’avère négatif. Savoir permet de se protéger et de protéger les autres.
Mais si celui-ci est positif, les personnes vivant dans un logement précaire voir insalubre se posent la question de la mise en quarantaine. Il est parfois impossible d’être isolé de cette manière et les personnes vivant sous le même toit n’ont pas forcément les moyens de se loger ailleurs. Il y a par ailleurs une inquiétude liée à la qualité des soins.
Pour beaucoup, le traçage numérique est un facteur de stigmatisation que ce soit par rapport à l’application mobile ou à l’enquête de proximité. Les personnes en situation de grande pauvreté craignent le contrôle social qu’ils subissent déjà au quotidien. Les refus de participer à ce traçage sont importants.
Le laboratoire d’idée santé préconise certaines démarches si le test doit être fait. Chacun doit se sentir légitime de faire le test car il y a une réelle inégalité dans l’accès à celui-ci. Ce test doit pouvoir se faire dans un environnement proche de chez soi. Il doit être possible de se faire accompagner ce qui permettrait de rendre la situation moins angoissante. Les médecins traitants ou les pharmaciens peuvent être mobilisés pour faire le test car ils sont bien souvent jugés comme étant des personnes de confiance. Il faut aussi accompagner les personnes sans papiers ou celles qui ne maîtrisent pas le français. Permettre à tous de faire le test devrait être un droit.
Si une mise en quarantaine doit s’opérer, les familles doivent être accompagnées et des bonnes conditions de vies doivent être assurées si le malade se retrouve seul dans un hôtel.
Le déconfinement n’est donc pas simplement un évènement tant attendu par tous. Cette étape pose énormément de questions que ce soit dans l’organisation de nos vies ou dans les relations entre les individus.
Thomas Rigollet