ATD Quart Monde publie un rapport sur les changements provoqués par le passage à la retraite pour des personnes en situation de pauvreté. Les auteures pointent les difficultés que ce nouveau statut peut entraîner, en raison notamment des ruptures de droit, mais aussi la “nouvelle liberté” que cela peut représenter pour ces personnes qui deviennent “des retraités comme les autres citoyens”.
“Moi, j’attends d’être à la retraite pour être enfin quelqu’un dans la société, avoir un statut”. Cette phrase d’un militant Quart Monde a interpellé les membres du Laboratoire d’idées du département Santé d’ATD Quart Monde. Ils se sont alors interrogés sur les changements sociaux et économiques induits par le passage à la retraite pour les personnes en situation de précarité.
Les entretiens collectifs menés dans ce groupe de personnes vivant ou ayant vécu la pauvreté, militants d’ATD Quart Monde, ont abouti à la publication d’un rapport intitulé “Prendre sa retraite lorsqu’on est pauvre!“. Alors que le projet de réforme des retraites, très controversé, est examiné au Parlement, ce rapport met en lumière les répercussions concrètes du passage à la retraite sur les conditions d’existence des personnes en situation de précarité.
Beaucoup imaginaient la retraite comme le début d’une “meilleure vie”, avec des revenus stables qui leur donneraient un nouveau statut, “non plus des ‘cas socs’, mais des retraités comme les autres citoyens”, “un statut de ‘sages’ quelque part”, témoignent-ils. Mais tout n’est souvent pas si simple. “La retraite n’est pas versée comme ils l’avaient cru mais le RSA, l’AAH (Allocation aux adultes handicapés) ou leur pension d’invalidité est arrêtée parce qu’ils sont enregistrés comme retraités. La CAF cesse ses versements”, constatent les auteures du rapport, Huguette Boissonnat Pelsy, Chantal Sibue de Caigny et Caroline Desprès. Certains ont eu pour réponse de la CAF que cette rupture de droit était connue et qu’il y avait “deux années de trou dans le tuilage revenus sociaux et retraite”.
Idée d’un coffre-fort électronique
Lorsque la situation est rétablie vient le versement de la complémentaire retraite et des arriérés, en une seule fois. La personne peut alors perdre, pour cause de revenus trop importants sur l’année, le renouvellement de sa CMUC, l’allocation solidarité et parfois l’APL. “Le fait d’avoir une grosse somme d’un coup, cela te fout en l’air pour un an”, souligne l’un des membres du Laboratoire d’idées. Face à cette situation, ils préconisent de “ne pas supprimer le versement du RSA lors du dépôt du dossier de retraite” et de continuer de “verser les minimums sociaux jusqu’au versement de la retraite”. En cas d’interruption du paiement des allocations, ils demandent également la possibilité “d’actionner ou au moins d’informer la caisse de secours de la sécurité sociale”.
Pour pallier les difficultés rencontrées lors de la composition du dossier de retraite, le Laboratoire d’idées recommande notamment que “tout soit centralisé dans le même organisme” afin que tous les documents manquants soient demandés en une seule fois. Les auteures estiment notamment que “le coffre-fort électronique personnel pourrait être une réponse pour fluidifier les constitutions de dossier et la fluidité des démarches”.
Élargir les horizons
Les participants au Laboratoire d’idée pointent par ailleurs “les changements de statuts sociaux et personnels et les modifications personnelles induites par la stabilité du statut économique, ce qui ne leur est jamais arrivé”. Ils mettent en avant “cette nouvelle liberté que leur donne leur statut de retraité”. Lorsque le versement de la retraite se fait sans encombre, les personnes en situation de pauvreté ont désormais la certitude qu’une somme d’argent leur est versée tous les mois “sans qu’ils soient obligés de se justifier tous les trois mois”.
Plusieurs participants évoquent également la possibilité “d’élargir leurs horizons”, en étendant leur périmètre de vie notamment vers le monde associatif ou vers leur famille. Julie Clair-Robelet
Téléchargez le rapport “Prendre sa retraite quand on est pauvre”