Dans une interview accordée au Journal d’ATD Quart Monde, Yann Manzi, fondateur de l’association Utopia 56, dénonce « la politique de non-accueil » des personnes exilées en France.
Pouvez-vous nous présenter Utopia 56 ?
C’est une association citoyenne qui a pour but d’aider les personnes exilées à la rue et les populations sans domicile fixe. Notre but est de sensibiliser les citoyens à la réalité de la thématique migratoire et de changer leur regard. Nous comptons 200 bénévoles et 25 salariés, mobilisés quotidiennement sur huit territoires.
Que constatent vos équipes dans les campements ?
Il y a une réelle volonté de la France de stigmatiser ces populations en n’organisant pas leur accueil, d’où un non-respect des droits fondamentaux et des conventions internationales. Dans les campements de Paris, Calais, Grande-Synthe et ailleurs, nous faisons face, chaque jour, à des forces de l’ordre qui reçoivent des ordres insensés et au harcèlement de ces personnes.
La création de cette “Europe forteresse” s’accélère. Le message est très clair à l’attention de nos concitoyens : “On est envahi”. C’est un mensonge politique qui fait s’opposer les gens entre eux. Cette politique de non-accueil est renforcée par des systèmes administratifs qui font errer ces populations en France et en Europe, sans aucun avenir. C’est une machine qui broie les gens.
À quoi est confrontée une personne fuyant son pays et arrivant en France aujourd’hui ?
Vivre dans la rue est un passage presque obligatoire pour une partie des personnes qui arrivent. Elles doivent d’abord contacter l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) pour prendre un rendez-vous pour une demande d’asile. Cette démarche peut prendre des semaines, voire des mois.
Le fait de ne pas pouvoir faire rapidement cette demande les place dans la clandestinité. Elles sont susceptibles d’être contrôlées et envoyées dans un centre de rétention administrative. Ce n’est que le début d’un parcours long, éreintant, aléatoire…
Comment voyez-vous l’avenir aujourd’hui ?
Nous avons décidé de nous battre pour défendre le respect des droits fondamentaux pour tous. Tant que l’État ne le fera pas, nous devons organiser le b.a.-ba de l’accueil : des tentes, des couvertures, de la nourriture, des avocats solidaires, des hébergeurs citoyens…
Aujourd’hui, il se passe quelque chose d’assez beau, qui est aussi fragile : des volontés citoyennes s’organisent pour pallier les manquements de l’État. Mais il faut les soutenir, parce que, sinon, elles risquent de s’écrouler. Nous voulons aussi montrer la réalité de cette politique migratoire et faire des actions devant la justice, parce que ce qui reste à ces personnes, c’est le droit. Propos recueillis par Julie Clair-Robelet
Cet article est issu du Journal d’ATD Quart Monde de novembre 2021.