Une cinquantaine de membres du réseau Wresinski Culture se sont retrouvés en visioconférence le 14 juin pour une table-ronde consacrée à la dimension culturelle au sein des différents droits fondamentaux.
Dans le cadre de quatre rencontres organisées en visioconférence au cours des mois de mai et juin, le réseau Wresinski Culture s’est attaché à “faire entendre à quel point la culture n’est pas un domaine réservé, mais une dimension qui traverse tous les aspects de la vie et contribue à faire société, en favorisant l’émancipation de chacun”. Trois thèmes ont ainsi été choisis afin de montrer les liens étroits entre ces droits fondamentaux et les droits culturels : l’alimentation, la santé et le logement.
“Si on néglige la dimension culturelle de droits comme l’alimentation, le logement ou la santé, on ne les met pas vraiment en œuvre et cela conduit finalement à un échec”, a ainsi constaté Mylène Bidault. Docteur en droit et membre du Haut-commissariat aux Nations Unies pour les droits de l’Homme, elle était chargée de faire la synthèse des trois premières rencontres. Elle a ainsi rappelé que les droits culturels sont “les droits de toute personne d’exprimer une identité, de développer une humanité, une vision du monde par l’intermédiaire des connaissances, des savoirs, des modes de vie, des institutions, des arts, des langues… C’est aussi le droit d’accéder aux ressources et patrimoines culturels qui permettent ce processus d’identification et de développement.”
“Participer avec ses aspirations et sa compréhension du monde”
Faire respecter ses droits, quels qu’ils soient, c’est “avoir le droit de s’exprimer, d’exprimer son identité, sa vision du monde” et cela nécessite donc d’avoir “le droit d’être entendus et respectés dans son identité”. Pour Mylène Bidault, cela passe par “l’écoute” et par la possibilité de “faire émerger et de partager les savoirs”. Mais cette écoute et cette participation active sont trop souvent des étapes qui ne sont pas réellement prises en compte par les institutions. “Participer, ce n’est pas seulement donner son avis, c’est dire, mais c’est aussi faire et c’est décider, c’est accepter de déboucher sur un vrai pouvoir d’agir, individuel et collectif. Le cœur des droits culturels, c’est de participer avec les ressources qui sont les miennes, et celles dont je peux me saisir, avec mes aspirations, ma compréhension et ma vision du monde”, a-t-elle rappelé.
La juriste a donc recommandé “d’abandonner toute position descendante de celui qui sait, mais aussi de celui qui aide. C’est parfois extrêmement douloureux, parce qu’on pense qu’on fait bien et, en fait, on se trompe, parce qu’on n’a pas écouté, pas entendu et pas respecté la personne dans ses aspirations”.
Le “rouleau compresseur” de l’universalité
Les droits culturels permettent ainsi “l’effectivité” de tous les droits, a-t-elle par ailleurs expliqué. “Le droit de vivre, ce n’est pas un droit de l’Homme. Ce qui est un droit de l’Homme, c’est le droit de vivre dignement. Et cela est vrai pour tous les droits. Qui peut définir la dignité, si ce n’est la personne concernée ? Elle se définit forcément par le bas, dans toute sa diversité des aspirations de chacun.” De même, l’universalité des droits, si elle s’impose “par le haut” et de la même manière pour tous, ressemble à “un rouleau compresseur”. Les droits culturels, en faisant émerger les aspirations de chacun, sont ainsi “des leviers pour la réalisation des autres droits”.
Pour Luc Carton, philosophe, il est donc aujourd’hui essentiel de “ne pas se laisser intimider par les droits culturels, car il s’agit de reconnaître que les humains sont chacun, seul et en commun, interprète du monde et nous avons besoin de chacun pour interpréter le monde et le faire avancer”.